Suisse

Les Verts doivent encore mûrir un peu

Pour le parti écologiste, la première moitié de législature a surtout été marquée par deux échecs cuisants. La vague verte s’est écrasée contre l’immobilisme de la Berne fédérale.
Les Verts doivent encore mûrir un peu
Les élus Greta Gysin, Aline Trede et ­Fabien Fivaz ont surtout mis en avant les succès des Verts à Berne. KEYSTONE
Analyse

Il y a deux ans, une vague verte déferlait sur le Parlement fédéral. En une seule élection, le parti écologiste a quasi triplé sa représentation à Berne, passant de 11 à 28 sièges au Conseil national, de 1 à 5 sièges aux Etats. Aujourd’hui, l’heure est au premier bilan de mi-législature. Un bilan que les Verts tentent de reverdir – c’est dans leur nature – en soulignant avoir «enregistré quelques succès essentiels au niveau du climat et de la biodiversité, de l’égalité et d’une démocratie forte».

La vague qui s’écrase

En réalité, la vague verte s’est écrasée contre l’immobilisme de la Berne fédérale. Cette première moitié de législature a surtout été marquée pour le parti par deux échecs cuisants. Le premier était certes prévisible. Malgré son aspiration légitime à intégrer le Conseil fédéral en tant que désormais quatrième force électorale, il n’y est pas parvenu avec la candidature de la Bernoise Regula Rytz.

Il a certes posé là des jalons en prévision de 2023. Mais il ne lui suffira probablement pas d’enregistrer une nouvelle progression électorale. Encore faudra-t-il qu’il manœuvre plus habilement qu’il y a deux ans pour décrocher un siège au gouvernement face à des partis en place qui vont défendre leur os, avec mauvaise foi au besoin.

L’autre échec retentissant, c’est bien sûr le refus en juin par le peuple de la loi sur le CO2, synonyme de coup d’arrêt pour la politique climatique. «On a fait notre travail en mobilisant nos troupes à voter oui», se défend Fabien Fivaz. «Ce n’était pas gagné d’avance car il ne s’agissait pas d’un projet très progressiste du point de vue des Verts», souligne le Neuchâtelois. Ils sont aussi volontairement restés en retrait pour permettre à la droite de présenter cette révision comme libérale.

Une campagne sans âme

Mais cette campagne a manqué d’âme, surtout en comparaison avec celle en parallèle sur les pesticides, où on a vu les Verts s’époumoner en faveur des deux initiatives avec pour seul résultat de se fâcher avec le monde paysan. Celui-ci fait pourtant partie de leurs alliés potentiels dans la conquête de majorités parlementaires, notamment sur les dossiers liés à l’alimentation.

Cette double campagne a surtout montré à quel point les Verts peinent à troquer leurs oripeaux de militants s’enflammant pour des causes contre un costume de parti installé faisant aboutir des projets, fussent-ils mollachus. Car c’est à cela que se mesure réellement l’action politique.

Cette mue n’est certes pas facile. D’autant moins que c’est à leur militantisme que les Verts doivent leurs succès électoraux, en particulier au détriment de socialistes embourgeoisés. Mais ne vaut-il pas mieux engranger des avancées en matière de lutte contre le réchauffement climatique que de nouveaux sièges supplémentaires en 2023?

L’UDC face aux bobos

La défaite de juin signifie plus que la perte d’une bataille. Elle a changé la dynamique de cette législature, de la même manière que la défaite de la droite triomphante PLR-UDC devant le peuple en 2017 sur la réforme de la fiscalité des entreprises (RIE III) avait changé la dynamique de la précédente législature.

Vainqueure en juin, l’UDC a déjà adapté toute sa stratégie, faisant de la défense des régions périphériques délaissées son nouveau combat prioritaire et des bobos urbains sa nouvelle cible. Le départ au PLR de la présidente Petra Gössi, qui avait initié le virage vert du parti, et son remplacement par un lobbyiste des camionneurs, Thierry Burkart, président de l’Astag (l’Association suisse des transports routiers), illustre à lui seul ce changement de dynamique.

Les Verts vont devoir régater désormais dans un contexte parlementaire bien moins favorable aux questions climatiques et environnementales. «On ne peut pas dire que la volonté de protection du climat ait disparu», objecte la cheffe de groupe Aline Trede.

La Bernoise s’appuie là notamment sur la large approbation populaire dans son canton le mois dernier (63,9%) d’un nouvel article constitutionnel sur le climat et celle à Glaris, par la Landsgemeinde, d’une interdiction des chauffages à mazout.

Un appétit à restreindre

La Tessinoise Greta Gysin souligne aussi la large acceptation en septembre devant le parlement d’une initiative de son collègue Bastien Girod (ZH) en faveur d’un soutien aux énergies renouvelables.

Les questions climatiques vont bien sûr rester à l’agenda politique. Difficile de les oublier après un été pourri marqué en Europe tant par des inondations meurtrières que par des feux de forêt. Elles vont revenir rapidement sur le tapis avec le contre-projet que le Conseil fédéral compte opposer à l’initiative populaire «pour les glaciers».

Un contre-projet que les Verts jugent «falot» et qu’ils veulent «impérativement améliorer». Ils n’auront toutefois guère d’autre choix que de restreindre leur appétit. LA LIBERTÉ

Suisse Philippe Castella Analyse

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