Édito

La justice au ras des tribunes

La justice au ras des tribunes
Certains supporters du FC Shaffhouse ont été interdits de stade pendant deux ans mais n'ont pas été condamnés. KEYSTONE_ARCHIVES
Justice

«Clairement misogyne et intolérable», c’est ainsi qu’a été qualifiée la banderole brandie par les supporters du FC Schaffhouse lors d’un match de Challenge League à Winterthour, en 2019. Le tribunal de district y a pourtant acquitté les prévenus.

La bannière incriminée invitait rien moins qu’à «baiser et tabasser les femmes de Winterthour». Trois auteurs identifiés s’étaient excusés après les évènements, jurant ne pas être misogynes. Ils avaient néanmoins été interdits de stade durant deux ans par la Swiss Football League et la police de Winterthour avait ouvert une enquête pour provocation publique au crime ou à la violence.

Le verdict est tombé il y a quelques jours: il n’y aurait pas là d’incitation de ce type mais une simple «provocation envers les supporters de l’équipe adverse», a estimé le tribunal. Parions que nombre d’hommes et de femmes, dans les tribunes du stade de Winterthour ou découvrant les faits dans les médias, l’ont pourtant très précisément perçus comme l’expression d’une haine et la diffusion d’une menace. Le fait que les injures sexistes, homophobes et racistes sont légion dans certaines arènes sportives ne peut être considéré comme une circonstance atténuante, comme ont tenté – avec succès – de le défendre les prévenus: prendre une banderole pour un appel à la violence serait selon eux un «signe de stupidité». Que la justice s’en soit laissé convaincre est confondant. D’autant que l’appareil judiciaire, qui sanctionne crimes et délits, prétend aussi corriger, et donc éduquer.

Ce jugement prend un relief particulier alors que la Pride zurichoise vient de s’achever et que débute à Genève son homologue romande, du 8 au 12 septembre. Si l’arsenal juridique suisse s’est étoffé en 2018 d’un article interdisant les incitations à la haine en raison de l’orientation sexuelle, encore faut-il que celles-ci soient identifiées comme telles. Le jugement rendu le 31 août montre que la marge interprétative des juges reste large. Et que la Marche des fiertés, qui vise à donner une visibilité aux personnes homosexuelles, bi, trans*, intersexes, queer et non-binaires, ainsi qu’à toute autre personne subissant des discriminations en raison de son orientation sexuelle, son identité ou expression de genre, reste indispensable. En réponse aux manifestations de haine, y a-t-il plus belle réponse que la fierté?

Opinions Édito Dominique Hartmann Justice

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