Fin du boycott de l’Autorité palestinienne, et après?
Pendant dix ans, le gouvernement israélien a boycotté l’Autorité palestinienne, foulant aux pieds une série d’accords signés et de promesses faites aux Palestiniens ainsi qu’à la communauté internationale. Donald Trump, dont l’ignorance crasse des réalités internationales n’avait d’égal que l’extrême indigence de son langage, avait permis à Benyamin Netanyahou de lui dicter sa politique moyen-orientale. Contrairement à son «ami Donald», Netanyahou avait un agenda: empêcher coûte que coûte un retrait des territoires occupés en juin 1967 et accélérer la colonisation de ces territoires.
Joe Biden, lui, a plus de quatre décennies d’expérience moyen-orientale, et aucun dirigeant israélien ne peut le conduire par le bout du nez – certainement pas le nouveau premier ministre Naftali Bennett, dénué de pratique diplomatique. La chance de ce dernier, c’est que le Moyen-Orient n’est pas la priorité de Biden, et une «solution à la question palestinienne» n’est pas un terrain où la diplomatie étasunienne s’est souvent embourbée. Pour la nouvelle administration de Washington, la priorité est de contrer le pouvoir économique et politique de la puissance chinoise.
C’est sous l’encouragement de Joe Biden, pour ne pas dire sa pression, que le ministre israélien de la Défense Benny Gantz a mis fin au boycott et accepté de rencontrer le président palestinien Mahmoud Abbas. Selon les médias, la rencontre a été correcte… et s’est limitée à des questions d’intendance, comme des permis de construction dans la zone C1> Soit les 62% de la Cisjordanie sous contrôle d’Israël pour la sécurité et l’administration., l’entrée de ciment à Gaza, et un déblocage – très limité – de mesures administratives empêchant la réunification des milliers de familles palestiniennes.
Des négociations sur un futur Etat palestinien? Nenni. «Il n’y a pas de processus de paix en cours avec les Palestiniens, et il n’y en aura pas» a fait savoir le premier ministre Bennett après la rencontre Gantz-Abbas. On ne saurait être plus clair. Nous voilà revenus aux temps de la «paix économique» chère à Shimon Peres: ce dernier avait il y a vingt ans élaboré une stratégie basée sur l’hypothèse que si on améliorait le quotidien des Palestiniens, ceux-ci seraient prêts à plier le drapeau national et à accepter la poursuite de l’occupation israélienne.
Il faut n’avoir rien appris de l’histoire des peuples pour croire à cette fable raciste. C’est la soif de liberté et de dignité qui est le moteur des luttes, en particulier des luttes de libération nationale; pas le ventre. C’est ce qui explique la popularité du Hamas et la raison pour laquelle Mahmoud Abbas – encouragé par Israël – a repoussé sine die les élections qui devaient se dérouler il y a quatre ans.
Ceci dit, si le Moyen-Orient n’est pas une priorité pour la nouvelle administration étasunienne, cette dernière ne laissera pas le gouvernement israélien faire ce qu’il veut. Biden et son équipe savent que le Moyen-Orient demeure une poudrière et qu’il reste impératif de mettre un bémol aux velléités annexionnistes du pouvoir israélien. C’est une chose de ne pas pousser à une «reprise du processus de paix», une autre de laisser Israël allumer le feu et de déstabiliser encore d’avantage l’Orient arabe.
Notes
* Militant anticolonialiste israélien, fondateur du Centre d’information alternative (Jérusalem/Bethléem).