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Cuba et le pompier pyromane

CUBA ET le POMPIER PYROMANE
Dimanche, des centaines de manifestants ont protesté dans l'île contre les pénuries alimentaires et les hausses de prix (ici à La Havane). KEYSTONE
Solidarité

L’événement est suffisamment rare pour être souligné: des manifestations de protestation ont essaimé dimanche dans plusieurs villes de Cuba. Pacifiques la plupart du temps, elles ont donné lieu localement à des incidents violents: voitures retournées, magasins pillés, affrontements avec la police et entre citoyen·nes, et dizaines d’arrestations. Les protestations ont été suivies d’importants déploiements des forces de l’ordre et de marches de soutien au gouvernement. Lundi, alors que plusieurs ministres intervenaient à la télévision pour s’expliquer sur les pénuries, la situation semblait s’apaiser.

Epicentre de la mobilisation, San Antonio de los Baños, petite cité proche de La Havane, a protesté dès dimanche matin, semble-t-il, principalement contre les coupures d’électricité à répétition, un supplice durant l’été cubain, difficile à supporter sans ventilateur ni frigo. Mais la contestation, qui s’est propagée dans au moins une dizaine de localités au fur et à mesure que les images de San Antonio étaient relayées sur les réseaux sociaux, a des causes plus profondes. Confrontée à un effondrement des revenus du tourisme, dû à la pandémie, et au durcissement depuis quatre ans de l’embargo étasunien, l’île vit sa pire crise économique depuis la chute du bloc soviétique. Frugal, le niveau de vie des Cubain·es a encore été touché par les récentes réformes économiques, où les hausses de salaire n’ont pu compenser le recul du subventionnement de nombreux produits.

Quant à la situation sanitaire, relativement maîtrisée depuis un an et demi, elle tend à s’aggraver actuellement sur fond de pénurie de médicaments. L’effet de l’embargo étasunien mais aussi, semble-t-il, des investissements massifs en faveur de la vaccination anti-Covid.

Dans n’importe quel pays, une telle situation de crise conduirait une partie de la population dans la rue. Seulement voilà: Cuba, avec son système politique hérité de l’URSS et son conflit ouvert avec son puissant voisin, n’est pas un pays comme les autres. Si la critique du gouvernement y a bien plus d’espace qu’on ne le croit souvent à l’étranger – et que l’Etat cubain sait aussi s’adapter aux récriminations populaires –, celles-ci sont généralement ultra-encadrées, ou maintenues dans l’espace privé ou semi-privé. Ici, l’expression du ras-le-bol n’a guère d’exutoire collectif. D’où l’énorme potentiel déstabilisateur des mobilisations de dimanche. Et le discours hésitant du pouvoir cubain, entre gestes de compréhension à l’égard des mécontents et diatribes contre les «provocateurs» au service des Etats-Unis, alors que des appels à une «intervention humanitaire» étrangère à Cuba se répandent depuis une semaine sur Internet.

Washington s’est d’ailleurs empressé d’enfiler son habit de puissance interventionniste, s’inquiétant des risques de répression et exigeant de La Havane, qu’elle «entende les demandes de son peuple et qu’elle réponde à ses besoins». Le comble de l’indécence de la part d’une nation qui porte une responsabilité massive dans le dénuement des 11 millions de Cubain·es!

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