Édito

Le sale tour de Dieudonné à l’humour

Le sale tour de Dieudonné à l’humour
JPDS
Justice 

La justice genevoise a condamné jeudi Dieudonné pour discrimination raciale, injure et diffamation. En cause, des propos tenus par l’humoriste français et le contenu d’un sketch où un personnage lance un propos à connotation négationniste.

Cette jurisprudence est bienvenue. Il est heureux qu’il soit entériné qu’une ligne rouge est constamment franchie par les provocations racistes, misogynes et homophobes de ce douteux personnage qu’est devenu Dieudonné. Avec des propos clairement antisémites, notamment l’imputation aux juifs du trafic d’esclaves: un poncif de l’antisémitisme importé des Etats-Unis et véhiculé notamment par le mouvement Nation of Islam de Louis Farrakhan. Et déconstruit depuis belle lurette par les historiens étasuniens.

Les autorités qui tentaient d’agir étaient constamment renvoyées au fait que Dieudonné n’avait commis aucun délit en Suisse. Cela n’est plus le cas désormais (même si un recours est annoncé). Et la sentence est conséquente: 180 jours amende, à 170 francs le jour.

On peut en revanche nourrir des inquiétudes sur le fait que les propos d’un personnage de sketch soient sanctionnés. La scène doit être un espace de liberté, la fiction n’est pas la réalité, et ce ne sont que des mots, prononcés devant un public averti, même si malheureusement souvent complaisant. Sur ce plan, le précédent est malheureux.

Il faudra donc veiller à ce que ce rappel à l’ordre et à la décence ne soit pas interprété par la jurisprudence comme une justification de la censure. Il est vrai que la justice a pris en considération le contexte: Dieudonné est un multirécidiviste, condamné à moult reprises en France. Ses fréquentations sont douteuses, entre le négationniste Robert Faurisson et l’essayiste d’extrême droite Alain Soral.

Un autre humoriste n’aurait sans doute pas été sanctionné de la sorte. Pierre Desproges et son sketch sur les juifs qui «se sont glissés dans la salle», Coluche et son «éléphant, normal, blanc» ou Guy Bedos et ses hilarantes «Vacances à Marrakech» n’auraient sans doute pas de soucis à se faire. Et la Suisse a une jurisprudence plutôt libérale en matière de liberté d’expression. Soyons donc optimistes sur la portée positive de cet arrêt. Ce qui n’exclut pas la vigilance. Car c’est à l’humour et à la liberté d’expression que Dieudonné a fait du mal. Et elles sont à la base du vivre ensemble et de la démocratie.

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