Interdiction de défiler: le Conseil d’Etat persiste et signe
La Coordination genevoise pour le droit de manifester (CGDM) – rassemblant de nombreux collectifs, partis, syndicats et associations – a fermement condamné, ce mardi, l’interdiction de la manifestation de la société civile prévue à l’occasion du sommet Biden-Poutine. Ce faisant, le Conseil d’Etat genevois contrevient aux libertés de réunion et d’expression consacrées par le droit constitutionnel et international, estime-t-elle.
«Pour le gouvernement, les libertés fondamentales sont un luxe qui est dispensable face à la raison d’Etat et aux intérêts économiques. Sa décision illustre le dédain avec lequel il considère à l’année le droit de manifester», relève Raphaël Roux, avocat et membre du comité de la CGDM. D’autant que le motif invoqué – les nuisances pour le trafic – n’est pas suffisant, pointe-t-il. «L’expression de la société civile est toujours asymétrique par rapport à celle du pouvoir, mais cette fois-ci, celui-ci se révèle particulièrement autoritaire.»
«Cantonner l’expression démocratique à un endroit invisible et statique revient à la réduire à néant» Me Raphaël Roux
La demande initiale concernait un cortège entre la place de Neuve et la place des Nations. L’interdiction de défiler avait déjà été annoncée par le Conseil d’Etat genevois (notre édition du 11 juin). Cependant, le comité organisateur était ouvert à toute proposition et espérait toujours pouvoir négocier un parcours alternatif. «C’est pathétique», se désole son représentant, Thomas Vachetta. «Les organisations syriennes, kurdes, arméniennes ou russes qui appellent à manifester sont humiliées de se retrouver en face du skate-parc au lieu d’être en face de l’ONU.»
La manifestation anti-impérialiste se cantonnera donc à un rassemblement sur la plaine de Plainpalais, mercredi dès 17h30. Y participera notamment Jean Ziegler. Offrira-t-il suffisamment de visibilité, comme le soutient Mauro Poggia, conseiller d’Etat chargé de la Sécurité? «Il est fondamental de pouvoir faire un cortège pour avoir de la visibilité. Cantonner l’expression démocratique à un endroit invisible et statique revient à la réduire à néant», objecte Raphaël Roux.
Un recours est envisagé… pour le principe. Car l’interdiction, «opportunément» officialisée mardi, ne laisse pas suffisamment de temps pour faire recours. Or, rappelle Me Roux, le Tribunal administratif avait donné raison, après coup, au GSSA qui s’était vu refuser de manifester devant la mission des Etats-Unis pour des raisons similaires en 2005.