Édito

Sommet vintage

Sommet vintage
Le président étasunien Joe Biden est arrivé mardi à Genève dans le cadre de sa tournée européenne. KEYSTONE
Sommet Biden-Poutine

L’ambiance très années 80 qui prévaudra mercredi à Genève n’est pas que nostalgie du fameux sommet Reagan-Gorbatchev. La rencontre entre l’actuel président russe, Vladimir Poutine, et son homologue étasunien, Joe Biden, devrait s’apparenter, comme le sommet de 1985, à une première tentative de dégel en pleine relance de la «guerre froide», entre les deux principales puissances militaires du globe.

Après quatre années recentrées sur les enjeux économiques, les Etats-Unis de Joe Biden se disent «de retour» sur la scène géopolitique. Le quasi octogénaire se rêve en leader du «monde libre» (lisez de l’Occident) face aux menaces russes et chinoises. C’est le retour du boyscoutisme pro-droits humains, à condition évidemment qu’il ne concerne pas ses meilleurs alliés, comme la Colombie et Israël, ses multinationales ou ses propres troupes. Un logiciel plus qu’usé et qui risque surtout de pousser encore plus les Chinois, pourtant rétifs à tout autre politique que pro-business, dans les bras des Russes. Il suffit de mettre les pieds une seule fois à Moscou pour voir à quel point le XXIe siècle s’y inscrit sur cet axe culturel et économique. Et peut-être bientôt géopolitique et militaire.

Côté Russe, les années de forte croissance sous l’effet du boom des matières premières sont terminées depuis plus d’un lustre. La crainte que le mécontentement social ne débouche sur une alternance politique a conduit Vladimir Poutine à restreindre les libertés publiques et à durcir le régime imposé à l’opposition. Plus que jamais le discours nationaliste de «retour de la puissance russe» sert de caution au gouvernement face à ses difficultés sociales et économiques (malgré une réelle résistance à la crise du Covid). Les pays voisins et la Syrie en ont essuyé les plâtres.
Reste que la comparaison avec 1985 a ses limites. Si la Russie a toujours des appétits impériaux, sa réalité de 2021 est celle d’une nation essentiellement entourée d’Etats hostiles, ayant passé alliance avec l’UE, les USA ou la Turquie. Et si Moscou a pu conserver sa base méditerranéenne de Tartous en Syrie, son co-protectorat sur ce pays (avec l’Iran) ne couvre qu’une fraction du territoire internationalement reconnu, notamment amputé de la région pétrolière passée en mains US.

Quant aux Etats-Unis, n’en déplaise à Joe Biden, ils ne sont plus la super-puissance de la fin du XXe siècle, qui prophétisait (et tentait d’imposer) la «fin de l’histoire». Extrêmement divisée, tiers-mondisée socialement et structurellement, dépendante financièrement et commercialement de son grand rival chinois, l’Amérique est davantage sur le retour que «de retour»!

Entre le vieil ours jamais aussi dangereux que quand il est sous pression aux frontières de son territoire et l’aigle aux grandes ailes mais lesté de mille maux, la raison devrait conduire à une meilleure entente. Si elle n’est pas cordiale du moins puisse-t-elle être pragmatique. La renaissance de l’ONU et du multilatéralisme, dont Joe Biden proclame être le héraut, passe par là, entre deux nations promptes à user de leur droit de véto au Conseil de sécurité.

N’en déplaise aux opposants à la rencontre de Genève – et sans surestimer ses chances d’aboutir à ce réchauffement entre Moscou et Washington –, les peuples qui souffrent des batailles impériales et du recul du droit international auraient tout intérêt à une réussite de ce sommet.

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