Édito

Le MoMA et la Palestine

Le MoMA et la Palestine
Musée tout en superlatifs, le MoMA représente l’excellence autant qu’il symbolise les travers de ce type d’institutions, avec des collections très déséquilibrées côté genre ou inclusivité. KEYSTONE
Proche-Orient

Il y a Angela Davis, figure bien connue du mouvement des droits civiques étasuniens. Mais aussi des artistes, critiques ou écrivain·es pour le moins respecté·es comme Ariella Aïcha Azoulay, Michael Rakowitz, le collectif Forensic Architecture ou Claire Bishop. Une brochette de plus de 250 personnalités du monde de l’art, juives pour nombre d’entre elles, toutes et tous signataires d’une lettre ouverte pour dénoncer «les liens entre la violence permanente d’Israël à l’encontre du peuple palestinien et une institution majeure du système artistique, à savoir le Museum of Modern Art (MoMA)».

Initiée par la campagne «Strike MoMA» («biffer le MoMA»), proactive autour de thématiques comme le décolonialisme ou l’appropriation de terres, la lettre a été publiée vendredi dernier – une info relayée par le site étasunien Hyperallergic. Musée tout en superlatifs, le MoMA représente l’excellence autant qu’il symbolise les travers de ce type d’institutions, avec des collections très déséquilibrées côté genre ou inclusivité; et un système de financement par mécénat où l’argent sent par trop souvent la poudre ou les hydrocarbures.

Ici, les signataires pointent en particulier des membres du board of trustees du MoMA «directement impliqués dans le soutien au régime d’apartheid d’Israël». Par exemple Daniel S. Och, lié à la Fondation Birthright, qui envoie de jeunes en voyage en Israël – le périple est notamment destiné à renforcer leurs convictions sionistes. Ou Paula Crown et ses intérêts dans General Dynamics, conglomérat qui fabrique les bombes MK-84 récemment larguées sur Gaza. Mais aussi Ronald S. Lauder, fervent avocat d’une définition de l’antisémitisme qui inclurait les critiques à Israël.

Il y a peu, pour cause d’amitiés passées avec l’homme d’affaires et violeur Jeffrey Epstein, une autre levée de boucliers a poussé Leon D. Black à ne pas se représenter comme chairman du board du MoMA. Nouvelle preuve que les manifestations, boycotts ou prises de position des artistes et intellectuel•les portent leurs fruits. Comme lorsque la photographe Nan Goldin remporte d’importantes batailles contre les millions donnés aux musées par la famille Sackler, dont la fortune vient d’un opioïde ravageur; ou qu’un groupe d’artistes pousse Warren Kanders hors du Whitney Museum, parce que son entreprise fabriquait les gaz lacrymogènes massivement utilisés à la frontière mexicaine en 2018. Les artistes ont une voix qui porte; et parfois l’emporte.

Opinions Édito Samuel Schellenberg Proche-Orient

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