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«Défendre la biodiversité dans les urnes»

«Pas de plan B pour la planète». Au nom de la sauvegarde de la biodiversité, Alfonso Gomez, qui s’exprime ici à titre personnel, se prononce en faveur des initiatives anti-pesticides et loi sur le CO2 en votations fédérales, et s’oppose au projet de Cité de la musique en Ville de Genève.
Votation

La population sera amenée à se déterminer le 13 juin sur plusieurs sujets relatifs à la sauvegarde de la biodiversité et à l’urgence climatique. Au niveau fédéral, trois votations cruciales concernent la réduction des émissions de gaz à effet de serre (loi sur le CO2) et l’impact des pesticides sur l’environnement. Quant à la votation en Ville de Genève sur la Cité de la musique, les conséquences de ce projet de construction sur la biodiversité sont au cœur des enjeux.

La loi sur le CO2 rassemble un large front des milieux politiques, économiques et associatifs qui ont compris qu’il n’est plus possible de repousser les mesures à prendre pour lutter contre le réchauffement climatique. Les deux initiatives contre l’utilisation des pesticides de synthèse soulèvent des enjeux fondamentaux. Selon celles et ceux qui tergiversent, ces objets seraient trop rapides, trop extrêmes, trop écolos… C’est oublier que l’impact des pesticides et des engrais chimiques est dénoncé depuis des dizaines d’années dans des centaines de rapports, sans pourtant nous amener à agir contre les conséquences désastreuses de l’agriculture intensive.

Les lobbys agricoles agitent aussi bien le spectre d’une hypothétique raréfaction des denrées alimentaires (fini les pâtes…) que celui d’une explosion de leurs coûts. C’est un comble, sachant que l’utilisation de ces pesticides représente une menace bien plus grave pour notre sécurité alimentaire. En 2019, l’Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation publiait un rapport alarmant concernant la disparition des pollinisateurs; sans eux, c’en est fini de notre production agricole. Faire reconnaître la dangerosité du tabac a pris des décennies. Comme dans le cas des pesticides, on a vu se multiplier les études fallacieuses financées par les cigarettiers, visant à défendre le commerce sans entrave d’un produit mortel pour l’être humain. De même, la dangerosité des pesticides n’est plus à prouver.

Mais la préservation de la biodiversité se joue aussi dans les villes. Le Plan Biodiversité du canton de Genève rappelle qu’elle est nécessaire à notre vie. Dressant des constats alarmants concernant la disparition des espèces dans notre région, il a adopté une stratégie centrée sur trois axes: réhabiliter une infrastructure écologique, renforcer les liens de la population avec la nature, adopter le réflexe biodiversité dans l’aménagement du territoire. Plusieurs votations cantonales ont démontré que la préservation de la nature fait partie des préoccupations de la population. C’est ainsi qu’en 2019 et 2020, des projets de déclassement ont été refusés à Avusy, Meyrin, Vernier, Grand-Saconnex et en Ville de Genève.

Avec le projet de Cité de la musique, les habitant·es de la Ville de Genève auront encore une fois l’occasion de se prononcer à ce sujet. Car c’est bien l’opposition entre la préservation d’un site naturel et la construction d’une infrastructure pour la Haute école de musique (HEM) et l’Orchestre de Suisse romande (OSR) qui se jouera dans les urnes. Le site concerné couvre des milliers de m2 de terrain naturel. Selon l’étude menée par l’ingénieur forestier Bernard Graf1, cette forêt urbaine est constituée d’une grande diversité d’arbres âgés, parfois centenaires. Ce n’est pas tout: le site n’étant pas public, il est doté d’un sous-bois, d’une fantastique diversité de plantes, de champignons et d’une prairie extensive, constituant une multitude d’abris pour la faune et présentant une biodiversité d’une richesse exceptionnelle en milieu urbain. Bien que les promoteurs du projet aient proposé des améliorations concernant la préservation de certains arbres, l’impact du bâtiment projeté constitue une atteinte sérieuse à la préservation de la biodiversité et peut être considéré comme contraire aux priorités cantonale et municipale en la matière.

Les promoteurs annoncent qu’il n’existe pas d’alternative. Au vue des soutiens rassemblés pour cet ambitieux projet, gageons que des solutions pourront être trouvées, sur le territoire cantonal, pour aboutir à un objet permettant à la fois de préserver l’environnement et soutenir la culture. On l’a constaté par le passé, pour la Maison de la danse, le Musée d’ethnographie ou le Musée d’art et d’histoire. Bien que refusés par la population, des solutions ont émergé.

Les tensions générées montrent qu’il est essentiel d’adopter dans tous les projets de construction ce réflexe biodiversité. Elle est indispensable à la vie et aux générations futures. La planète n’est pas un projet à améliorer. Pour elle, il n’y a pas de plan B!

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