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«Le PAV ne sera pas un ghetto»

La droite projette une réduction drastique de la part de logement social prévue – et validée par les urnes – dans le futur quartier du PAV (Praille-Acacias-Vernets).Réaction de Christian Dandrès, conseiller national socialiste et avocat à l’Asloca.
Genève

Les milieux immobiliers repartent en guerre. Ils veulent pouvoir spéculer au PAV. A l’initiative du député Sébastien Desfayes (PDC) – associé du président de la Chambre immobilière (CGI) –, le Grand Conseil est saisi de projets pour réduire le nombre de logements d’utilité publique (LUP), augmenter les propriétés par étage (PPE) et pouvoir vendre à cette fin des terrains publics.

Le projet du PAV est marqué dès l’origine par le désir des milieux immobiliers de spéculer et d’accaparer ces terrains publics. Mark Muller – ancien conseiller d’Etat et secrétaire général de la CGI – voulait une City à la genevoise. Le projet ne devait pas servir au logement, mais à des bureaux. L’Asloca l’a combattu et obtenu que le PAV serve au logement. La solution fut acceptée à 61% en votation populaire en 2018. Sont prévus 6000 LUP, dont 2300 HBM, 2550 logements locatifs soumis à la zone de développement (contrôle des loyers), 1150 logements sans affectation prédéterminée – donc potentiellement en PPE. L’Asloca a conditionné ces PPE à l’obligation que les terrains restent en main publique.

La CGI et ses relais politiques se sont opposés aux 62% de LUP et au faible pourcentage de PPE, en prétendant que l’on allait créer un ghetto. Cet argument, teinté de mépris de classe, fut balayé en votation. La droite le ressert aujourd’hui avec la mixité sociale. Sans surprise, cet argument vaut pour réduire la part de LUP, jamais celle de la PPE: 70% de la Tulette (Cologny) fut réalisé en PPE sans que la droite s’en indigne.

Le PAV ne sera pas un ghetto. Le LUP est un logement non spéculatif. Il inclut les HBM (habitations bon marché), HLM (habitations à loyer modéré) et HM (habitations mixtes). Les besoins de presque toutes les catégories de la population sont couverts, des plus faibles revenus jusqu’aux personnes aisées. Le HM permet de loger des familles dont les revenus peuvent atteindre deux fois le salaire médian (6726 francs par mois). La «classe moyenne» n’est donc pas «la grande oubliée», comme le prétend M. Desfayes.1>Cf. C. Pasteur, «La gauche défend le logement social», Le Courrier, 13 avril 2021.

Le LUP n’est pas un taudis. Construire du LUP permet d’accéder à des terrains publics (droit de superficie). Les coopératives ne pourraient pas construire sans cela, vu le prix du foncier à Genève. Le site de la Codha2> www.codha.ch/fr/les-immeubles-de-la-codha contient des exemples de LUP de meilleure qualité que beaucoup de PPE. Il s’agit de logements dans des immeubles de haute qualité, esthétique et énergétique.

Les milieux immobiliers tentent encore de détourner à leur profit le débat politique sur la densité des nouveaux quartiers. Là encore, c’est une tartufferie, puisque la droite a été à l’initiative des lois en faveur de l’augmentation de la densité en zones de développement et villa.

La qualité et la densité des logements et des quartiers dépendent surtout du bénéfice attendu par le promoteur et du prix du foncier. Le PAV est occupé par des entreprises que l’Etat a décidé – à juste titre – de reloger. Le problème est qu’il veut faire payer l’addition aux futur·es habitant·es, via le foncier et les plans financiers. L’Etat doit donc prendre en charge les frais de la politique économique, sans grever à long terme la capacité de réaliser des logements abordables et des quartiers de qualité.

Les LUP et les PPE en droit de superficie sont soumis au contrôle de l’Etat durant des décennies et donc durablement soustraits à la spéculation. C’est cela qui démange le député Desfayes et ses amis.

Notes[+]

* Conseiller national (PS/GE) et juriste à l’Asloca Genève.

Opinions Agora Christian Dandrès Genève

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