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De Gramsci à Draghi

Depuis sa naissance, la démocratie italienne a dû affronter de nombreux défis: l’hégémonie d’un parti-Etat, les Brigades rouges et les «années de plomb», l’emprise de la Mafia… Elle a également connu, avec Silvio Berlusconi, le règne d’un «président-patron» puis l’arrivée au pouvoir de mouvements antisystème. La dernière livraison de Manière de Voir* explore ces mutations, sans oublier la riche culture (cinématographique, littéraire…) du pays.
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En moins de trois ans, l’Italie a troqué le statut de cancre de l’Union européenne contre celui d’élève modèle. Le temps où le gouvernement du Mouvement 5 étoiles et de la Ligue, deux formations souvent qualifiées de «populistes», défiait Bruxelles et ses politiques d’austérité est définitivement révolu. Ancien président de la Banque centrale européenne, M. Mario Draghi est devenu président du Conseil en février dernier. Le pays se retrouve ainsi (pour la quatrième fois en trente ans) dirigé par un gouvernement d’«union nationale», qui, malgré la présence de ministres d’extrême droite, suscite l’admiration des Chancelleries et des médias européens1. Cancre hier, disciple consciencieux le lendemain: est-ce là une illustration du «mystère italien» que décrypte la dernière livraison de Manière de voir?

Depuis sa fondation, en 1861, l’Italie joue le rôle de laboratoire politique pour l’Europe et pour le monde. Berceau du fascisme dans l’entre-deux-guerres après avoir inventé, au XIXe siècle, le «transformisme», cet art de gouverner au-dessus des partis en réunissant la droite et la gauche au sein d’une majorité parlementaire, elle a également vu naître, dans les années 1970, le communisme accommodant avec le centrisme (le «compromis historique»), suivi, moins d’une décennie plus tard, d’un courant socialiste acquis au marché. Puis elle a inauguré dans les années 1990, avec M. Silvio Berlusconi, l’ère de l’«Etat-entreprise», dont MM. Donald Trump et Emmanuel Macron ont repris le flambeau. L’Italie expérimente désormais l’extrême droite conciliante avec Bruxelles, prête, pour obtenir la manne du plan de relance, à remiser ses critiques sur le carcan de l’Union1>Lire Stefano Palombarini, «L’Italie, un laboratoire politique européen», Le Monde diplomatique, avril 2021..

Ce numéro de Manière de voir revient sur ces expériences et sur bien d’autres. Brossant un portrait social de la Péninsule, évoquant le poids de la Mafia et celui de l’Eglise, il n’oublie pas sa riche culture, son cinéma, sa littérature ou ses philosophes, qui, de Nicolas Machiavel à Antonio Gramsci, ont considérablement enrichi la pensée critique.

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* «Le mystère italien, Mafia, populisme, technocrates…», Manière de voir n° 176, avril-mai 2021, bimestriel édité par Le Monde diplomatique.

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