Édito

Le pari écolo du Groenland

Le pari écolo du Groenland
Vainqueur des élections législatives groenlandaises du 6 avril, le parti de gauche écologiste Inuit Ataqatigiit (IA) l’a emporté face à l’hégémonique Siumut. KEYSTONE
Groenland

Le climat a gagné, en tout cas temporairement. Vainqueur annoncé hier des élections législatives groenlandaises, le parti de gauche écologiste Inuit Ataqatigiit (IA) l’a emporté face à l’hégémonique Siumut, formation sociale-démocrate en proie à des querelles internes. Une deuxième victoire pour IA après celle de 2009, double exception dans une longue succession de scrutins gagnés par Siumut depuis l’autonomie de 1979.

Agé de 34 ans seulement, Mute Egede, dirigeant d’IA, deviendra le plus jeune premier ministre du monde, appelé à trouver une majorité du côté des petits partis. Ceci sur une île-pays constitutive du royaume du Danemark, où les 56 000 habitant·es paient leurs denrées en couronnes et dans laquelle diplomatie ou défense sont pilotées depuis Copenhague, à 3530 km de Nuuk, sa capitale. Dans cette économie largement tributaire de la pêche, l’exploitation des ressources naturelles, par contre, est du ressort des Groenlandais·es. Mais si le sous-sol est riche, le territoire est presque entièrement recouvert de glace, ce qui complique toute exploitation.

Opposition à un gisement

Sauf que la calotte fond, notamment sur les côtes, réchauffement climatique oblige. Une réalité qui aiguise les appétits publics et privés, aussi à Washington, où Donald Trump avait proposé en 2019 de racheter l’île, après une première tentative étasunienne dans les années 1940, à l’époque pour des raisons géopolitiques. La proposition a été poliment déclinée par le premier ministre sortant, qui a toutefois rappelé que le pays était ouvert aux affaires.

Et c’est justement un projet controversé d’exploitation d’un gisement d’uranium et de terres rares qui est à l’origine du scrutin anticipé remporté par Inuit Ataqatigiit. Le parti s’est opposé frontalement à l’opération portée par un groupe australien à capitaux chinois, avec le soutien du Siumut. Un projet minier situé dans l’une des rares zones agricoles de l’île.

Mais si les valeurs écologiques ont influencé ce scrutin, avec 63% des Groenlandais·es opposé·es à cette exploitation, une majorité d’habitant·es (52%) ne voit pas de mal à ce que l’on creuse ou fore ailleurs. Aussi, alors que l’île perdrait un tiers de son budget si elle décidait à terme de s’émanciper totalement du Danemark, la tentation d’excaver est évidemment forte. Et tant pis si la matière extraite ne fera qu’amplifier l’emballement consumériste responsable de la fonte des glaces. Pour Inuit Ataqatigiit, le combat environnemental ne fait que commencer.

 

Opinions Édito Samuel Schellenberg Groenland

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