Il y a 150 ans aujourd’hui démarrait la Commune de Paris. Un jalon dans l’histoire du mouvement ouvrier auquel Le Courrier consacre quatre pages dans ce numéro. La date est importante et justifierait à elle seule ce regard historique. Mais son intérêt va au-delà.

Une révolution populaire matée dans le sang par les forces de la réaction versaillaise. On parle de 20’000 à 30’000 morts, fusillés pour avoir eu l’outrecuidance de se révolter. Avec l’utilisation de moyens de répression modernes, déjà. Bien des communard·es furent débusqué·es pour s’être laissé·es photographier de manière insouciante sur une barricade. L’intérêt de l’usage répressif de la photo – une invention alors récente – fut immédiatement repéré par les Versaillais. Les fichiers de Big Brother étaient déjà à l’œuvre!

Cet anniversaire rappelle aussi une constante de l’histoire. Les dominant·es ne lâchent pas facilement leurs privilèges, prêt·es à bien des ignominies pour conserver leurs prébendes. La révolution bolchevique, moins d’un demi-siècle plus tard, aura ce précédent effroyable à l’esprit – il était aussi proche pour eux que peut l’être Mai 68 pour nous. Le «vaincre ou périr» explique peut-être aussi certaines dérives de la révolution soviétique. Et le mufle hideux d’une bourgeoisie prête à tout pour sauver ses prébendes trouvera une issue effroyable dans le totalitarisme nazi. Au-delà de l’intérêt mémoriel, la Commune rythme l’histoire tragique de la gauche, la victoire des vaincus, selon la formule consacrée. Car, pour éloignée dans le temps qu’elle est, cette insurrection reste d’une étonnante jeunesse. Bien des acquis démocratiques et progressistes sont déjà présents en germe dans cette courte séquence de deux mois et demi d’une expérience grandeur nature de la démocratie: retour du suffrage universel – masculin uniquement, il est vrai –, école laïque, libre et obligatoire, séparation de l’Eglise et de l’Etat, droits des femmes, etc.

La question sociale est au centre des préoccupations des Communards. Le capitalisme naissant qui réduisait hommes, femmes et enfants à des conditions de quasi-esclavage continue de faire des ravages. A l’heure où la crise climatique oblige à inventer la sortie d’une économie où le monde est réduit à l’état de marchandise, ces questions restent d’une actualité brûlante. Le slogan «socialisme ou barbarie», cher à Rosa Luxemburg – dont on commémore aussi cette année le 150e anniversaire de la naissance – est d’une modernité totale: écologie démocratique et sociale par le bas ou barbarie capitaliste qui mène vers l’abîme de l’extinction humaine. La réponse est toujours aussi simple, et les embûches sur le chemin de ce dépassement toujours aussi nombreuses.