Édito

Misérable référendum

Misérable référendum
Distribution alimentaire aux Vernets. Keystone
Votation

La pandémie a eu le triste mérite de révéler aux yeux de tous la précarité indigne qui règne à Genève. Elle a aussi permis, indirectement, de montrer une autre forme de misère – morale celle-ci – et de dévoiler le visage vérolé d’une droite pour qui le mot solidarité ne vaut que pour certains.

Sous prétexte de s’opposer au «travail au noir» et à l’impunité d’employeurs qui ne se seraient pas acquittés de leurs obligations (annonces aux assurances sociales, rupture illicite de contrat), elle rejette le fonds d’indemnisation pour les travailleurs qui n’ont bénéficié d’aucune aide. Quelque 15 millions de francs pour compenser les pertes de revenus des artistes payés au cachet, des indépendants, des étudiants, des serveurs sur appel ou encore des travailleuses domestiques.

Non contents d’avoir combattu en vain cette loi au Grand Conseil, l’UDC et le MCG ont lancé – sous le regard bienveillant du PLR qui maintient son opposition au texte – un référendum pour lequel ils n’ont reculé devant aucune méthode: rémunération de récolte de signatures, arguments mensongers et stigmatisation volontaire des sans-papiers.

Car oui, cette loi a la vertu de ne pas exclure les personnes sans statut légal (70% des bénéficiaires de ce fonds travaillent de manière régulière à Genève). Et c’est une excellente chose. Elles participent, certainement davantage que les référendaires, au bien-être et à la prospérité de tous. Leur refuser cette modeste bouée n’aura aucune espèce d’incidence sur la lutte contre le travail illégal et ne punira certainement pas les patrons crapuleux.

En réalité, céder aux sirènes des référendaires aurait pour conséquence de pénaliser les sans-papiers ainsi que toutes les autres personnes concernées par la loi, deux fois. Privées de protection par leur statut précaire, elles devraient en plus tirer une croix sur la seule compensation financière à laquelle elles auraient droit.

Une profonde injustice, mais surtout une absurdité. La société aurait tout à gagner à éviter une catastrophe sociale. Le prix à payer de la perte d’un logement ou d’un renoncement à des soins coûtant, au final, plus cher à la collectivité.

C’est une question de principe, disent les opposants à la loi. Mais de quels principes peut-on raisonnablement se réclamer lorsqu’on décide – par lâcheté, opportunisme ou pingrerie – de laisser sur le bas-côté ceux que le sort a accablé? Certainement pas celui de l’humanité la plus élémentaire.

Opinions Édito Mohamed Musadak Votation

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