La culture comme bouée
Onze minutes de silence. Un silence assourdissant, présage du «désert culturel» qui s’annonce si rien n’est urgemment entrepris. Metteuses en scène, clowns, régisseurs, conteuses, costumiers, musiciennes et danseurs ont brandi simultanément leur détresse et leur désarroi par un froid polaire, samedi, dans dix villes de Suisse romande.
Une centaine d’organisations culturelles romandes ont adressé une lettre ouverte aux autorités. La missive décrit «l’écosystème de la culture comme gelé». Les annulations en cascade de représentations nous font plonger dans un vide angoissant. Au-delà du naufrage économique de cet écosystème composé par le travail de 300 000 personnes, c’est la menace d’une perte de sens qui plane sur l’ensemble de notre société. La danse, la musique, la peinture font partie des expressions qui nous rendent vivant·es. Il nous faut lire, voir, chanter et jouer la pandémie afin de pouvoir appréhender ce qu’il nous arrive. Contrairement à ce qui est prétendu depuis de longs mois, la culture, sous ses diverses formes, est essentielle à nous êtres humains. Aujourd’hui, plus que jamais, nous en avons besoin pour donner du sens à ce que nous vivons. «La culture nous permet de lire le monde», lâchait samedi l’autrice et metteuse en scène
Olivia Csiky Trnka sur les ondes de la radio RTS.
Les acteur·ices du milieu proposent une réouverture progressive des lieux et des concepts de protection précis. Sans arts, toute la vision est brouillée. «No Culture No Future» vont afficher ces deux prochaines semaines les théâtres de Suisse romande. L’art est le ciment de notre société, il est essentiel à l’incarnation d’un avenir commun. Alors que l’incertitude règne partout, la culture est une bouée dont nous ne pouvons plus nous passer.
Les écrans nous ont dépanné quelques temps, mais qui n’a pas cherché après une journée de télétravail la caresse du vent ou du soleil pour vérifier qu’il ou elle était encore vivant·e? La culture ça se touche, ça se sent, ça se respire. Cela ne se résume pas à un écran, ça se vit en chair et en os. Le Conseil fédéral subit des pressions de toutes parts pour assouplir les mesures contre le virus. Il se doit d’entendre la culture lors de sa prise de décision mercredi.