Édito

Salutaire rappel à l’ordre

Une mendiante gagne à Strasbourg
La Cour européenne des droits de l’homme a condamné mardi la Suisse pour avoir infligé une sanction qualifiée de «grave» à une mendiante Rom de nationalité roumaine. KEYSTONE
Justice

La loi genevoise sur la mendicité – et, partant, son pendant guère plus reluisant vaudois – a du plomb dans l’aile. Dans un arrêt rendu public mardi, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la Suisse pour avoir infligé une lourde amende à une mendiante rom qui avait été emprisonnée à Champ-Dollon, car incapable de payer les amendes que lui avait infligées la justice genevoise.

Une atteinte inadmissible à sa vie privée, ont estimé les juges de Strasbourg, relevant que cela privait cette personne de pouvoir subvenir à ses besoins vitaux. La mendicité était pour elle le seul moyen de survivre. Analphabète, sans emploi, sans aide sociale, elle se trouvait en situation de «vulnérabilité manifeste», selon la CEDH: «Elle avait le droit, inhérent à la dignité humaine, de pouvoir exprimer sa détresse et essayer de remédier à ses besoins par la mendicité.»

Un rappel salutaire de certains principes fondamentaux. Les législations sur la mendicité adoptées à Genève puis dans le canton de Vaud étaient la résultante de réactions pavloviennes. Il y a des pauvres qui tendent la main, cela me met mal à l’aise dans mon confort de nanti, cachez-moi tout cela. Avoir des gueux qui brandissent une sébile devant l’entrée rutilante d’une banque ou d’un commerce de la rue du Rhône vendant des biens au prix d’un salaire annuel faisait décidément trop désordre.

Au-delà du caractère humainement choquant de cette législation anti-pauvres, il faut aussi relever son inefficacité. Il y a toujours autant de Roms clandestins à Genève. Environ 150, selon l’avocate de Mesemrom, l’association de défense de cette minorité, Dina Bazarbachi. La ténacité de cette dernière doit être saluée, elle qui a aussi contesté des milliers d’amendes. Avec beaucoup de courage, elle n’a pas lâché l’affaire et s’est battue comme une belle diablesse sur un dossier guère populaire.

La question va maintenant être de savoir comment cet arrêt va être interprété. Le droit va-t-il être toiletté sans que rien ne change sur le fond ou est-ce que le bon sens retrouvera droit de cité? A savoir que cette législation stigmatisante et attentatoire à la dignité humaine trouve sa vraie place: dans les poubelles de l’histoire. Et qu’elle soit remplacée par un traitement social de la misère du monde, seule réponse humainement acceptable et efficace par rapport à la situation dramatique des migrants roms.

Faire prédominer les droits fondamentaux: cela serait l’occasion pour les institutions politiques de redorer un peu leur blason doublement terni: d’abord pour avoir voté ces lois iniques puis par la claque que vient de leur infliger la Haute Cour.

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