Édito

Harpagon, ouvre ta caissette

Harpagon, ouvre ta caissette
Les Harpagons qui gèrent les caisses fédérales (ici le conseiller fédéral UDC Ueli Maurer) doivent libérer les fonds nécessaires pour dédommager les victimes économiques de la crise sanitaire. KEYSTONE
Covid-19

Le Conseil fédéral a-t-il tout faux? On pourrait le croire, à entendre les réactions courroucées des cantons romands face aux dernières annonces des autorités suisses mettant l’éteignoir sur toute une série d’activités dont certaines s’apprêtaient même à redémarrer ce jeudi. Et il y a bien sûr une part de vrai dans ce tollé. Le Conseil fédéral se réveille lorsque les cantons alémaniques sont à leur tour touchés de plein fouet. 

Avant, il s’agissait d’une Welscherei de plus de ces Grecs de la Suisse. Mais maintenant que l’on constate que les réalités épidémiologiques se rient du rideau de roestis, il y a soudain urgence. Et tant pis pour les cantons qui avaient pris les devants et que la Berne fédérale a refusé d’aider se réfugiant à bon compte devant un fédéralisme ainsi dévoyé.

Cela est bien sûr injuste. Mais est-ce un scoop? La politique suisse est davantage tournée vers Zurich que vers les terres romandes, souvent vues comme des régions périphériques, quand bien même elles affouragent via la péréquation fiscale intercantonale bon nombre de cantons alémaniques volontiers méprisants à son égard.

Mais ce constat d’échec politique ne doit pas masquer les réalités sanitaires. Et celles-ci sont préoccupantes. La surmortalité en Suisse par rapport aux années précédentes est de 60%, comme l’a relevé dans un post le député genevois Jean Batou. Près de 5600 résidents ont déjà perdu la vie depuis le début de l’année.

La maison brûle toujours. Cela plaide pour une action ferme et coordonnée. Prôner comme le font les milieux économiques romands d’une action déléguée aux cantons n’est guère sérieux. Ni efficient. On a vu ce que cela donnait lorsque les commerces genevois avaient baissé le rideau; le chaland a foncé tête baissée sur Nyon et Lausanne. Et cela ouvre la voie aux pressions les plus diverses: un Conseil fédéral est sans doute mieux outillé que les collègues gouvernementaux cantonaux pour y résister. Même s’il est bien sûr légitime de discuter – c’est à cela que sert la consultation express qui vient d’être lancée – tel ou tel point. 

Pour compréhensible qu’elle soit, l’ire des cantons romands gagnerait à être mieux ciblée. Notamment en réclamant que les Harpagons qui gèrent les caisses fédérales libèrent les fonds nécessaires pour dédommager les victimes économiques de ces errements. Les salariés, bien sûr. Mais aussi les indépendants et le petit commerce. Y compris de manière rétroactive pour les cantons qui ont été plus vertueux ou moins myopes que les collectivités alémaniques. C’est une question de volonté; les moyens existent dans un des pays les plus riches au monde.

Opinions Suisse Édito Philippe Bach Covid-19 Coronavirus Crise sanitaire

Autour de l'article

Connexion