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Violation des droits humains au Chili

Dans une lettre ouverte à la haute commissaire aux droits de l’homme et ancienne présidente chilienne Michelle Bachelet, le Collectif international de parrainage des prisonniers politiques chiliens demande la libération des manifestants incarcérés depuis octobre 2019.
Chili

On dit qu’une petite étincelle suffit à mettre le feu à la plaine. Tel a été le cas précisément en octobre 2019 au Chili. Une hausse du prix des transports, peu significative en termes économiques, mais traduisant le mépris du pouvoir envers les classes défavorisées, a déclenché des protestations des étudiants, bientôt rejoints par toutes les couches de la population sans distinction, pour transformer ces mobilisations en une révolte sans précédent dans l’histoire du Chili. Plus de 4 millions de personnes sont descendues dans la rue dans tout le pays pour exiger une seule chose: la dignité.

Le gouvernement actuel du pays a réagi avec une brutalité qui ne peut que rappeler la période la plus noire que le Chili ait connue, après le coup d’Etat de 1973. Pour effrayer et sanctionner la population, la police a recouru aux assassinats, à la torture et à l’humiliation. Des centaines de personnes ont été blessées, certaines éborgnées ou rendues aveugles et des milliers de jeunes ont été arrêtés arbitrairement. Divers secteurs politiques ont minimisé les violations des droits les plus fondamentaux des citoyens à manifester démocratiquement, en légitimant l’action des forces de police.

Un an après le début des manifestations, plus de 2000 jeunes sont toujours en détention préventive ou en résidence surveillée dans l’attente d’une procédure judiciaire. Sur la base de «preuves solides», créées souvent de toutes pièces par les forces publiques, tantôt au moyen de séquences vidéo de quelques secondes, tantôt sur la foi de témoins dépendant du pouvoir, les tribunaux prononcent des peines allant jusqu’à vingt-neuf ans de prison, ce qui est inédit dans les annales de la justice. Ceci pour le simple fait de demander la dignité.

Grâce aux relations quotidiennes avec les familles, les jeunes détenus, les avocats et les organisations qui interviennent pour les aider, notre collectif international de parrainage a réuni un grand nombre de témoignages sur les fausses accusations, les abus et l’arbitraire dont les jeunes détenus et leurs familles sont quotidiennement victimes. Aujourd’hui, il est évident que ce qui se passe au Chili constitue une violation flagrante des droits humains.

Les soussignés, membres du Collectif international des parrains des prisonniers de la révolte au Chili, s’adressent donc à vous en tant que haute commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, organisation qui, comme l’indiquent son titre, son orientation et son objectif, tend à défendre toute la population dont les droits sont aujourd’hui bafoués. Compte tenu des différents conflits qui secouent le monde, les services que vous dirigez auront sans doute sous-estimé la gravité des violations des droits humains au Chili et c’est pourquoi nous vous prions de considérer la nécessité urgente de: reconnaître les jeunes détenus à la suite des protestations sociales comme prisonniers politiques – les définitions du Conseil de l’Europe et d’Amnesty International sont explicites à ce sujet –; exiger du gouvernement chilien qu’il libère inconditionnellement et gracie tous les prisonniers politiques.

La pandémie puis l’appel à un plébiscite en faveur d’une nouvelle Constitution sont des éléments qui ont permis de rompre la continuité du gigantesque mouvement de protestation. Tout porte à croire que les mobilisations ne s’arrêteront pas à brève échéance et que le gouvernement accentuera la répression. Dans cette perspective, nous soumettons également à votre appréciation les mesures que le Haut Commissariat pourrait, selon nous mettre, rapidement en œuvre: habiliter des membres d’organisations reconnues comme défenseurs des droits humains à agir pour une meilleure protection des jeunes en prison et les former à cet effet; exhorter le gouvernement chilien à rendre une justice équitable, indépendante du pouvoir exécutif et à assurer un traitement juste et digne d’un pays démocratique.

(…) Nous sommes convaincus que votre vaste connaissance des inégalités de la société chilienne et votre vécu ainsi que la teneur profondément humaine de nos considérations vous permettront de comprendre pleinement nos demandes.

Les auteurs de cette agora écrivent au nom du Collectif international des parrains des prisonniers de la révolte sociale au Chili.

Opinions Agora Claudio Venturelli Helmuth Rudloff Chili

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