Édito

Gouverner sans haine

Gouverner sans haine
Des supporters du MAS fêtent le triomphe de leur candidat. Keystone
Bolivie

«Nous avons récupéré la démocratie et l’espoir», a déclaré lundi matin le candidat de gauche Luis Arce, après avoir appris qu’il avait remporté l’élection présidentielle bolivienne au premier tour, selon un sondage fiable sorti des urnes. Si le résultat officiel se fait encore attendre, la présidente, Jeanine Añez, et l’Organisation des Etats américains (OEA) ont déjà félicité l’ex-ministre de l’économie du gouvernement d’Evo Morales. L’heure est au soulagement en Bolivie, tant les craintes de violences et de manipulations étaient élevées juste avant le scrutin.

La victoire écrasante de l’ancien parti au pouvoir, le MAS, 52% des voix – plus de 20 points devant son principal adversaire Carlos Mesa – en dit long sur la grave crise politique qu’a connu le pays depuis novembre 2019, lorsque le président Evo Morales a été chassé par l’armée.

Un score si net suggère d’abord une fois de plus que les élections d’octobre 2019, contestées par l’opposition et par l’Organisation des Etats américains (OEA), n’avaient pas été entachées de fraudes. Plusieurs études sérieuses l’avaient démontré. Le vote massif du monde rural pour le parti de M. Morales se confirme aujourd’hui alors qu’il avait été mis en doute en 2019.

La netteté du résultat – six points de plus pour le MAS que l’année passée – montre également le rejet par le peuple de la droite conservatrice qui a gouverné le pays de manière catastrophique durant les onze derniers mois. Discours de haine – racistes, moyenâgeux et religieux – affaires de détournements, népotisme, corruption, persécutions politiques et violences d’Etat particulièrement meurtrières ont révélé le vrai visage du gouvernement putschiste. Le ministre de la Santé est allé jusqu’à acheter des respirateurs inutilisables et surtaxés afin de s’enrichir en pleine pandémie alors que le système de santé a été laissé à l’abandon. Comme en Argentine, le retour d’une droite dure au pouvoir constitue la meilleure publicité pour la gauche. Le candidat de la droite modérée Carlos Mesa, qui avait cautionné le coup d’Etat, n’a pas su se démarquer suffisamment de ses encombrants alliés.

Autant dire que la tâche ne sera pas simple pour Luis Arce, dont les premières missions seront de rétablir tout ce qui a été démantelé depuis une année et de reconstruire un système de santé sinistré en pleine pandémie, alors que le pays est profondément divisé. La confiance avec la police et l’armée devra aussi être rétablie puisque ces forces ont participé au putsch. Les propos humbles et pacifistes du nouveau président tenus à la sortie des urnes, annonçant un gouvernement d’unité nationale, de «tous les Boliviens», s’avèrent plutôt rassurants: «Nous allons renouer avec le processus de changement que nous avons initié, sans haine, en apprenant de nos erreurs en tant que MAS».

 

Opinions Édito Christophe Koessler Bolivie

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