Chroniques

Une bonne éducation pour tous?

Mon rêve américain

Chaque parent veut le meilleur pour son enfant et je n’y fais pas exception. J’avais misé sur la renommée des écoles américaines pour offrir une éducation de qualité à mon fils. J’ai vite compris qu’au sein du système éducatif des Etats-Unis les différences étaient abyssales entre la situation des enfants de nantis et celle des autres.

Ainsi, au niveau de l’enseignement supérieur, les universités de renommée mondiale telles qu’Harvard, Stanford ou le MIT sont des universités privées. Contrairement aux universités helvétiques et autres écoles polytechniques fédérales, qui n’ont pas à rougir de leur rang dans les palmarès internationaux et où les frais de scolarité sont relativement abordables, les prestigieuses écoles américaines coûtent entre 25’000 et 60’000 dollars par an. Les universités publiques plus modestes, comme la Boise State University dans l’Etat d’Idaho, facturent 8000 dollars l’année d’études.

Quant aux bourses, elles sont réservées aux étudiant-e-s les plus brillant-e-s. Avec des taux d’acceptation ne dépassant pas 10%, peu nombreux sont celles et ceux qui peuvent en bénéficier. La solution? Emprunter. Ainsi, il est commun de croiser des post-quadragénaires aux prises avec le remboursement d’une dette estudiantine. En contexte de crise économique, l’endettement étudiant, qui peut vite déboucher sur une faillite personnelle, est devenu un problème majeur. Au point de constituer désormais un enjeu politique.

En amont des études supérieures, le système d’éducation américain comprend deux niveaux d’enseignement – primaire et secondaire – répartis entre écoles publiques, établissements sous contrat de partenariat public-privé (les charter schools), écoles privées et enseignement à domicile – où il semble que la seule exigence soit la réussite d’un examen de fin d’année.

Outre les directives fédérales, chaque Etat a ses propres règles en matière d’éducation. Les écoles publiques sont financées par l’argent fédéral, étatique et du «district scolaire». C’est là que l’inégalité entre en jeu puisque le financement du district provient des recettes fiscales locales. Des écoles des quartiers pauvres doivent ainsi parfois composer avec des bâtisses insalubres et des classes de 40 élèves et plus (contre 30 en moyenne). Par ailleurs, certains Etats, comme l’Idaho républicain, semblent privilégier les excédents budgétaires à l’éducation. En la matière, l’Idaho a ainsi revu plusieurs fois son budget à la baisse sur ces douze dernières années. L’année 2020 n’a pas fait exception, le gouverneur ayant exigé une réduction de 5% des dépenses, tous secteurs confondus, y compris le secteur scolaire.

Les charter schools parapubliques doivent se débrouiller avec encore moins d’argent public. Quelquefois, les effectifs par classes y sont plus importants qu’ailleurs et souvent les parents doivent apporter une petite participation financière. Différenciées par leurs «chartes» – d’orientation religieuse ou non – qui leur confèrent une large autonomie, ces structures proposent des programmes spéciaux comme par exemple le baccalauréat international.

Après les résultats médiocres du dispositif d’enseignement primaire et secondaire révélés au début des années 2000, le gouvernement Bush avait proposé le plan «No Child Left Behind» (Aucun enfant laissé pour compte). Votée en 2002, la réforme en question est toujours en vigueur. Elle rend les écoles responsables du taux de réussite des élèves en conditionnant le montant de la manne fédérale à l’atteinte des objectifs fixés. D’autre part, elle permet de faire passer dans la classe supérieure des élèves qui ont échoué leur année scolaire. Cela s’est produit avec deux enfants que je connais personnellement, ayant échoué en mathématiques. Il leur aura suffi de compléter tous les tests requis et, bien qu’ayant obtenu un score de zéro, ils ont reçu le crédit nécessaire à leur passage au degré suivant.

En fonction de cette loi, les enseignants des collèges se retrouvent face à des élèves dont le niveau de maîtrise d’anglais, de mathématiques ou de sciences est très inférieur au niveau requis. Pourtant, ces élèves peuvent poursuivre leur parcours en accumulant des crédits de non-performance. On ne peut imaginer pire façon de mettre en péril l’éducation.

Parfois, je me questionne et m’émerveille en constatant qu’il y a toujours de nombreux-ses élèves et étudiant-e-s qui réussissent malgré tout à exceller dans un système aussi déformé.

Genevoise expatriée de longue date aux Etats-Unis (et ancienne secrétaire au Courrier), Sabine Hartmann dépeint la vie de la classe moyenne de l’Etat d’Idaho, dans le contexte des présidentielles étasuniennes du 3 novembre 2020.
Rendez-vous vendredi prochain pour la suite de la série.

Opinions Chroniques Sabine Hartmann

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