Édito

Climat: les ornières de la justice

Climat: les ornières de la justice
De gauche a droite, l'activiste du climat Beate Thalmann, l'avocate Irene Wettstein, l'activiste du climat Paul Castelain, l'avocate Marie-Pomme Moinat, et l'avocate Laila Batou reagissent au verdict. KEYSTONE
Désobéissance civile

Les banques restent sacrées, malgré leurs investissements écocides. Et la Suisse peut se contenter de répondre au réchauffement climatique avec des mesurettes. En condamnant les activistes qui ont occupé les locaux de Credit Suisse, les juges de la Cour d’appel du canton de Vaud ont douché les espoirs des militants pour le climat et de leurs avocats, qui les ont défendus pro bono. Avec frilosité, ils ont imposé une vision sclérosée du droit, refusant de faire évoluer le monde judiciaire face au défi inédit du réchauffement climatique. Au moment où les Accords de Paris sont malmenés, ce verdict est guidé par la peur. Il était plus facile pour les juges de rester dans les ornières plutôt que de légitimer un acte de désobéissance civile s’attaquant à deux puissants symboles de notre pays: les banques et Roger Federer.

La Cour fait l’impasse sur les investissements dans les énergies fossiles de la place financière suisse. Même s’ils représentent vingt-deux fois les émissions domestiques du pays. Même si Credit Suisse a littéralement les mains dans le cambouis. Ses crédits dans les énergies fossiles, notamment à Total ou encore Glencore, amènent la planète à un réchauffement de 4 à 6 degrés, qui condamne l’humanité.

De manière surprenante, les juges donnent aussi un blanc-seing au Conseil fédéral. La Suisse s’est engagée à respecter les Accords de Paris et sa loi sur le CO2, qui sera sous toit aujourd’hui, propose «les mesures nécessaires», selon la Cour. Pas un mot pourtant sur le fait que l’outil national de lutte contre le réchauffement climatique ignore délibérément la place financière.

Deuxième et troisième pouvoirs se serrent ainsi les coudes contre le changement. Le vieux monde résiste. Mais c’est compter sans l’énergie du désespoir de la jeunesse, qui sera directement exposée aux désastres climatiques et sur la solidarité d’une frange de plus en plus importante de la population, dont les grands-parents pour le climat qui ont également intenté des actions en justice. Les juges pourront taper du marteau autant de fois qu’ils le veulent, le rapport de force est là et la jeunesse déterminée. Face à la réalité du changement climatique, ils n’auront d’autre choix que d’évoluer pour être en phase avec le plus grand défi du siècle.

Opinions Édito Sophie Dupont Désobéissance civile

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