L’école pour toutes et tous
«La plupart du temps, ces jeunes ne parviennent pas à s’insérer dans le cadre scolaire habituel.»1>«Au Grütli, les migrants mineurs en sursis», Le Temps, 23 janvier 2020, disponible sous: www.emery-torracinta.ch/mon-action/enfance-et-jeunesse/mineurs-non-accompagnes/ C’est ce que déclarait notamment la conseillère d’Etat genevoise en charge du Département de l’instruction publique, Anne Emery-Torracinta, en ce début d’année 2020 au sujet des mineur-e-s non accompagné-e-s (MNA). Pour mémoire, l’acronyme MNA désigne les personnes mineures ne relevant pas de l’asile, il s’agit donc d’enfants sans statut légal.
Cet argument est utilisé pour justifier notamment que certain-e-s jeunes passent la totalité d’une année scolaire, voire plus, à l’association Païdos plutôt qu’à l’école. Païdos offre des espaces et des projets d’intégration, de réinsertion et de prévention aux enfants et aux adolescent-e-s en situation de vulnérabilité à Genève. Via son programme CAP, l’association offre un accueil psychopédagogique aux mineur-e-s non accompagné-e-s ne relevant pas de l’asile. Dans ce cadre, elle reçoit une quinzaine de jeunes durant la journée et propose plusieurs activités, dont des ateliers de dessin, de cuisine, de maths et de français.
Depuis janvier 2020, le Département de l’instruction publique considère que ces ateliers répondent à l’obligation de formation à Genève2>Communiqué de presse du Conseil d’Etat: prise en charge des jeunes mineurs non accompagnés à Genève, du 22 janvier 2020, disponible sous: www.ge.ch/document/point-presse-du-conseil-etat-du-22-janvier-2020. Or, pour répondre à cette obligation, les cours offerts par Païdos devraient constituer un enseignement au moins équivalent à l’éducation donnée à l’école obligatoire. Ce qui n’est pas le cas: l’espace d’accueil et d’accompagnement socio-éducatif proposés par l’association ne permettent pas de remplir les obligations étatiques en matière de droit à l’éducation.
La Constitution fédérale prévoit pourtant que «le droit à un enseignement de base suffisant et gratuit est garanti» et ce, indépendamment du statut de séjour. L’enseignement doit être approprié et adapté à chacun-e et suffire à préparer les écolier-ère-s à une vie responsable et autonome. De plus, à Genève, la formation est obligatoire jusqu’à l’âge de 18 ans au moins, voire 20 ans pour les élèves ayant des besoins éducatifs particuliers. Une personne peut en effet avoir besoin d’une aide spéciale pour différentes raisons, comme des difficultés à apprendre, à se concentrer, parler ou comprendre le français, ceci en raison de sa situation familiale ou d’un handicap.
L’élève a ainsi droit à des aménagements de la part de l’école. De ce fait, et afin que le droit à la formation puisse être garanti à tous les enfants, c’est bien à l’école de s’adapter aux élèves et non aux élèves de s’adapter au système scolaire. Le Tribunal fédéral a d’ailleurs récemment rappelé qu’il faut prioriser une éducation intégrative car «il ne serait pas compatible avec [la Constitution] de prévoir un enseignement séparé ou inférieur pour les enfants étrangers»3>Arrêt du Tribunal fédéral 2C_893/2018 du 6 mai 2019, consid. 6.1 ; Arrêt du Tribunal Fédéral 2C_892/2018 du 6 mai 2019, consid. 6.1 et les références citées..
De plus, l’école étant obligatoire, le ou la représentant-e légal-e de l’enfant (qui, pour les MNA à Genève, est souvent un-e curateur-rice du Service de la protection des mineurs) a l’obligation de l’inscrire à l’école sous peine d’une sanction administrative, voire pénale.
Il est ainsi important que toutes les personnes mineures non accompagnées puissent être scolarisées, qu’elles relèvent de l’asile ou qu’elles soient sans statut légal, afin que leur droit fondamental à l’éducation puisse être garanti.
Notes
Les auteures, Sarah Alborzi, Mounia Habra et Sofia Vegas, sont alumnae de la Law Clinic sur les droits des personnes vulnérables de l’université de Genève.
Rendez-vous mercredi prochain pour la suite de la série.