Inégalités toxiques
L’empreinte carbone des 1% les plus riches dépasse de 35 fois l’objectif fixé par la communauté internationale pour 2030 en vue de maintenir une planète Terre vivable à moyen terme. Toujours selon Oxfam: cette petite minorité de 70 millions de personnes gaspille notre capital carbone deux fois plus vite que la moitié la plus pauvre de l’humanité, soit 3,5 milliards de personnes… Lorsque l’on sait que la fortune des 1% s’accroît irrésistiblement depuis quatre décennies, on cerne l’impasse dans laquelle se trouve l’humanité.
Alors que s’ouvre à Renens le procès en appel des douze occupants de Credit Suisse, ces données publiées lundi par l’ONG britannique tombent à pic. Elles illustrent cet «état de nécessité» qui pousse les militants climatiques à multiplier les actions chocs aux quatre coins du globe. Devant l’ampleur et l’urgence du virage politique, économique et social à réaliser, comment imaginer s’en tenir au seul train-train du travail institutionnel? Comment, devant la passivité voire la complicité de la plupart des médias de masse, imaginer atteindre la population et l’avertir du gouffre qui nous attend, sans les prendre à leur propre jeu de l’information spectacle?
En ce sens, les «mains rouges» posées sur une façade de Credit Suisse à Genève ou la partie de tennis simulée dans une enceinte bancaire de Lausanne ne sont que de bien innocentes performances, que la justice devrait avoir la sagesse, à l’instar du juge vaudois de première instance, de tolérer, à défaut de pouvoir les célébrer.
Car il faut admettre que la cible des militants était particulièrement bien choisie: outre les investissements carbonés souvent reprochés à Credit Suisse, la place financière helvétique et son numéro 2 bancaire jouent aussi un rôle clé dans cette délétère concentration des richesses. Avec officiellement 2300 milliards de dollars, la Suisse demeure la planque favorite des grandes fortunes du monde.
Bien à l’abri des impôts et de la plupart des juges, ces sommes astronomiques et leurs possédants peuvent dicter aux Etats les règles du jeu économique, rendant tout virage politique conséquent extrêmement difficile.
S’il est un ennemi de l’Etat démocratique dans ces procès, il n’est pas sur le banc des accusés.