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Un virus dans le jeu de quilles des cultures

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Issu d’un modèle mathématique de la théorie du chaos, l’«effet papillon» prétendait qu’un battement d’aile d’un tel insecte dans l’un des hémisphères terrestres aurait été susceptible de provoquer, de fil en aiguille, un ouragan tropical dans l’autre. Cet effet avait connu, il y a vingt ans, une mode passagère en météorologie. Avant d’être démenti…

Un virus, c’est bien plus petit qu’un papillon et la mutation d’un virus qui passe d’un animal à un autre, éventuellement humain, c’est beaucoup moins spectaculaire qu’un battement d’aile de papillon. Pourtant, cette mutation aboutira à des millions de morts humaines. Elle a provoqué un arrêt assez long de la plupart des activités humaines dans le monde entier et transformé, de manière radicale, les comportements quotidiens des sociétés et des cultures les plus codifiées. Des consignes contradictoires, aussi extrêmes qu’impensables un an plus tôt, sont données avec menaces de sanctions importantes, dans un chaos traduisant le désarroi des politiques comme des chercheurs face à un inconnu très difficile à cerner. Les études manquent ou sont très incertaines sur les durées de survie du virus dans les diverses conditions de contamination possibles et sur les modalités précises de ces contaminations.

Au nom d’un juste principe de précaution (on souhaiterait le voir appliqué avec une telle énergie dans tellement d’autres domaines!), le masque des enrhumés orientaux, dont on se moquait tant depuis des décennies, devient obligatoire un peu partout… tout en étant peut-être insuffisant ou inutile dans la plupart de ses variantes… Menteur qui prétend savoir! Des gouvernements font irruption dans les vies privées de chacun en prétendant interdire ou limiter les bises à la famille, les poignées de main rituelles ou les embrassades, de l’amitié ou de la reconnaissance du clan…

La culture, ce n’est pas que des livres ou de la musique, c’est aussi des gestes physiques et des interactions codées très différemment dans toutes les diverses sociétés, des gestes significatifs conditionnés depuis la plus tendre enfance et gratifiants pour ceux qui les pratiquent. Ce sont des traditions centenaires maintenues, avec des évolutions et peu de révolutions, au fil de multiples générations, qui se répètent, par dizaines, au quotidien. Et les petites boules rouges du virus bousculent ces traditions comme les quilles d’un bowling, s’élancent brutalement dans les libertés d’embrasser, caresser, tripoter qui vous voulez.
Le sida, déjà, avait joué les censeurs du plus intime, en embrouillant au latex les rapports sexuels débutants, déjà souvent compliqués par eux-mêmes. A la grande joie des intégristes religieux non pédophiles! Mais, avec le coronavirus, c’est la totalité du relationnel qui est remise en cause, même chez les fous de dieux, qui ont tant fait pour la propagation de l’épidémie, en ne respectant pas les précautions sanitaires nouvelles.

Beaucoup ont envie, et j’en fais partie, de retrouver ce monde d’avant où il était si naturel d’élargir son cercle proche en touchant, embrassant ceux que l’on veut y inclure ou y maintenir. Des gestes messages précieux établissant ou confirmant une relation consensuelle réciproque. Mais il n’est plus possible de le faire sans penser que l’on est peut-être en train de le- la contaminer, ou d’être contaminé soi-même, devenant dangereux pour les siens, surtout quand ils comptent parmi les plus fragiles. Les gestes barrières au virus sont aussi des barrières à l’expression des émotions et des sentiments, si essentielle dans nos vies. Un sourire derrière le masque, il faut de bons yeux pour l’envoyer, mais aussi pour le recevoir!

Bien sûr, il ne faut pas plaisanter avec le virus, mais quand, à l’issue d’une longue et sensible consultation masquée, ce médecin baisse le masque, sourit et tend, pour un instant, une main sûrement très hydro-alcoolisée, il a bien raison de conclure: «On reste humains, quand même!»…

Chroniqueur énervant.

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lundi 8 janvier 2018

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