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Les nombreuses bonnes raisons de s’endetter

Opposés aux mesures d’austérité budgétaire prévues par les autorités cantonales, les socialistes Emmanuel Deonna et Gabriel Barta plaident pour une relance par un recours à la dette publique.
Genève

Le Covid-19 provoque le risque d’une crise économique et sociale d’une très grande ampleur menaçant les emplois, qui risque d’aggraver la situation déjà très précaire des plus fragiles au sein de la société. Dans ce contexte, l’Etat doit opter pour une politique anticyclique en stimulant l’activité économique, en soutenant l’investissement dans la transition écologique, l’éducation et les infrastructures, en favorisant la consommation dans l’économie locale et en protégeant les populations les plus défavorisées.

Les mesures discrétionnaires en matière budgétaire sont réservées pour les temps de crise grave. C’est le cas avec la pandémie de coronavirus dont l’ampleur et la durée exigent la mise en œuvre de mesures appropriées dans un délai bref «pour limiter le plus possible la casse économique». Contrairement à ce que répètent à l’envi et par abus de langage les partisans de l’austérité néolibérale, la marge de manœuvre budgétaire de l’Etat n’est pas identique à celle des ménages privés qui «devraient se serrer la ceinture». En résumé, l’Etat dispose de la capacité d’emprunter directement sur le marché obligataire et auprès des banques centrales. Il peut également décider quand et quelle part de la dette il souhaite rembourser. En ce qui concerne la dette d’investissement, il peut choisir de la refinancer perpétuellement (dans ce cas, seuls les intérêts de la dette sont effectivement remboursés).

Aujourd’hui, dans plusieurs cantons suisses, on doit déplorer l’utilisation abusive de l’instrument du frein à l’endettement. A Genève, la conseillère d’Etat chargée des Finances, Nathalie Fontanet, a annoncé un plan d’austérité aussi inadéquat qu’inquiétant. Le frein à l’endettement devrait en effet servir à stabiliser la dette et à décourager des dépenses pas vraiment nécessaires au gré de majorités changeantes du parlement. Il ne devrait pas être utilisé pour la réduire massivement.

La Suisse se distingue par sa stabilité politique, sa devise attractive et la confiance des investisseurs dans sa capacité de remboursement et de refinancement. D’après la Banque nationale, le taux d’inflation était déjà faible et les taux d’intérêt négatifs en Suisse avant la crise du coronavirus afin de contrer la surévaluation du franc suisse (valeur refuge). Ces deux caractéristiques se sont renforcées pendant la crise. Le taux d’inflation est maintenant négatif et le franc tend encore plus à s’apprécier que d’autres monnaies.

Selon les experts, nous ne sommes clairement pas en période de surchauffe économique. Aujourd’hui les prévisions sont unanimes sur une stagnation, voire une baisse, des taux d’intérêt. De la même manière que la Banque nationale suisse, des institutions comme l’OCDE et le FMI ont annoncé que dans les dix prochaines années aucune hausse des taux d’intérêt n’est attendue. Ces éléments plaident clairement pour des politiques monétaires et budgétaires expansionnistes afin de faciliter la reprise économique. Quand bien même une hausse des taux d’intérêt se produirait, son impact doit être relativisé car les dettes publiques sont majoritairement constituées d’emprunts à long terme à taux fixe. Vu les prévisions et les taux actuellement extrêmement bas, c’est le meilleur moment pour l’Etat d’emprunter.

Les contextes suisse et genevois actuels sont loin d’une situation de surendettement. Enfin, même si un remboursement de la dette plus important était nécessaire parce que les taux d’intérêt augmentaient ou du fait que l’Etat choisissait de rembourser aussi le capital, le remboursement pourrait se réaliser en garantissant l’équité entre contribuables. Diminuer les dettes par des taxes progressives, plutôt qu’en renonçant à des investissements bénéficiant à la population entière, permettrait de cibler les contribuables les plus aisés.

L’investissement par la dette – dans l’éducation, les infrastructures, des projets en faveur d’une société plus durable – profitera aux générations futures. L’emprunt d’Etat d’aujourd’hui permet d’éviter de gros coûts économiques futurs dans les domaines du social, de la santé et de l’environnement. A moyen et long termes, il permet de garantir la maintenance des infrastructures et d’assurer que les prestations publiques ne se dégradent pas. La dette d’investissement répond aux attentes de notre jeunesse et des milieux progressistes. Ceux-ci réclament à juste titre la justice climatique, économique et sociale plutôt que l’austérité budgétaire et des avions de combat!

Parti socialiste genevois.

Opinions Agora Gabriel Barta Emmanuel Deonna Genève

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