Édito

Devoir de désobéissance

Devoir de désobéissance
Anni Lanz a été accusée par la justice valaisanne d'avoir fait revenir illégalement un réfugié en Suisse. KEYSTONE
Justice 

La condamnation à 800 francs d’amende infligée par la justice valaisanne à Anni Lanz a été confirmée par le Tribunal fédéral (TF). Le crime de cette ancienne secrétaire générale de Solidarité sans frontières, âgée de 74 ans? Avoir aidé un demandeur d’asile afghan, renvoyé en Italie en vertu des accords de Dublin, à revenir en Suisse.

En clair, le TF s’est refusé à faire œuvre de jurisprudence par la dépénalisation d’actions de solidarité. Et pourtant, les juges fédéraux avaient un boulevard devant eux. L’histoire de ce requérant arracherait des larmes à un caillou. Déserteur de l’armée afghane, il avait cherché refuge auprès de proches en Suisse. Où il a appris l’assassinat de sa femme et de son enfant. En proie à de graves troubles psychologiques – il a commis des tentatives de suicide –, il n’en a pas moins été renvoyé en Italie, pays de première entrée.

Circulez, mais pas trop quand même

Ne supportant pas de le voir errer dans les rues de Milan par une température négative, sans pouvoir accéder à des structures d’accueil pour cause d’imbroglio administratif, Anni Lanz avait pris la seule décision de bon sens: aller le chercher. Sans succès, puisqu’elle s’est faite arrêter à la douane et a été amendée.
Las. Le TF a refusé d’entrer en matière et a confirmé la bûche. Il estime qu’en passant outre une procédure de renvoi menée à terme dans les règles, Anni Lanz «a agi de manière illicite». Et, selon Mon Repos, cette dernière ne saurait invoquer un état de nécessité et la sauvegarde d’intérêts légitimes, comme a tenté de le plaider son avocat. Par la suite, le protégé de Mme Lanz a bien été pris en charge par une institution psychiatrique en Italie. Il se trouvait certes «dans une situation très difficile en Suisse [… ] Cependant, cette situation n’était pas d’une gravité telle qu’elle tombe sous le coup de l’interdiction des traitements inhumains et dégradants selon la Convention européenne des droits de l’homme».

Circulez – mais pas trop quand même –, il n’y a rien à voir. La logique froide du droit entre donc une nouvelle fois en contradiction avec l’élémentaire humanité de ce qui devrait fonder une société. Le message envoyé par le TF est qu’il faut changer le droit. Et surtout, en attendant cette improbable réforme, qu’il faudra continuer à ruser avec l’autorité. Lorsque nos valeurs les plus fondamentales sont niées de la sorte, la désobéissance n’est pas qu’un droit. Elle est un devoir. Honneur donc à Anni Lanz de nous le rappeler.

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