Chroniques

Double peine

EST-CE BIEN RAISONNABLE?

Depuis une semaine, on parle beaucoup moins de la pandémie de coronavirus qui affecte si dramatiquement les Etats-Unis, lesquels viennent de franchir le cap des 100 000 morts. Les projecteurs de l’actualité nationale et mondiale – puisque tout ce qui concerne les USA est censé concerner et intéresser le reste de la planète – sont braqués sur les manifestations qui enflamment le pays. Après l’assassinat, en live, d’un Afro-Américain, George Floyd, par un policier à Minneapolis, le 25 mai dernier. Le mouvement de protestation contre le racisme et les violences policières risque de générer une nouvelle vague de contamination au sein de la communauté afro-américaine, déjà fortement éprouvée par le Covid-19. Racisme et coronavirus: une sorte de double peine en quelque sorte.

La double peine, on la retrouve aussi ailleurs. Au Burkina Faso par exemple, l’un des pays les plus touchés d’Afrique de l’Ouest par le coronavirus, avec 53 décès et 847 cas confirmés. Mais qui doit également faire face à des attaques à répétition émanant de groupes armés qualifiés de «djihadistes», qui ont encore fait une cinquantaine de morts le week-end dernier. Depuis cinq ans, ces exactions ont causé la mort de 900 personnes et entraîné le déplacement de quelque 860 000 autres, surtout dans l’est et le nord du pays. La crise sanitaire engendrée par le coronavirus est venue s’ajouter à la crise sécuritaire et humanitaire qui sévissait déjà; sans compter la crise économique qui a vu de nombreuses personnes sombrer dans la pauvreté pour cause de confinement, faute de recevoir une aide de l’Etat, livrées à elles-mêmes. Alors que des élections présidentielles et législatives annoncées pour le 22 novembre prochain ne manqueront pas, comme c’est souvent le cas sur le continent africain et ailleurs, d’exacerber les tensions politiques.

Si la crise du coronavirus a peu ou prou affecté tous les continents, partout ce sont les plus faibles qui en ont payé le plus lourd tribut. En Inde, le confinement a provoqué un effondrement de l’économie dont les travailleurs migrants furent les premiers à faire les frais. Ces hommes et ces femmes qui avaient fui la misère des villages pour chercher de quoi vivre dans les grandes villes se sont retrouvés du jour au lendemain sans aucun revenu, menacés par la faim; ils ont alors repris le chemin de leur village, marchant sur des kilomètres avec famille et bagages, mourant parfois d’épuisement sur le bord de la route. Double peine également pour l’Inde: alors que le pays est mobilisé par la lutte contre le Covid-19, il est confronté à la pire invasion de criquets de son histoire, qui dévaste les cultures.

Si l’immense République démocratique du Congo, à l’instar d’autres pays africains, n’est que peu touchée par le coronavirus, avec 72 décès et une majorité des quelque 3195 cas confirmés limités à sa capitale Kinshasa, c’est la fièvre Ebola qui en revanche y a refait apparition ces derniers jours. Pour la onzième fois depuis 1976. En voyant les photos des soignants congolais, emballés dans leurs combinaisons intégrales pour éviter toute contamination, luttant courageusement pour tenter, à nouveau, d’empêcher la transmission de ce virus et faire le maximum pour sauver des vies, je me suis demandée si ces hommes et ces femmes courageux étaient eux aussi applaudis, suffisamment remerciés, récompensés. A l’image de leurs collègues européens en première ligne dans la lutte contre le coronavirus, qui furent durant plusieurs semaines applaudis chaque soir en témoignage de reconnaissance et d’admiration.

Journaliste

Opinions Chroniques Catherine Morand

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lundi 8 janvier 2018

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