Édito

Servir n’est pas se servir

Servir n'est pas se servir
Ce n’est pas faire le lit du populisme que de dénoncer ceux qui s’affranchissent du contrat moral qui les lie à leurs électeurs. KEYSTONE
Notes de Frais

Le classement par le Ministère public genevois de l’affaire des notes de frais en Ville de Genève est juridiquement discutable. Et, politiquement, il s’agit d’un très mauvais signal. Il indique aux élus peu scrupuleux qu’il leur suffira de faire preuve de contrition ­– très peu ­– et de rembourser les sommes indûment détournées pour ne pas être sanctionnés pénalement s’ils sont pris la main dans le pot de confiture. Comme les employeurs qui ne respectent pas le droit du travail ou les conventions collectives et s’exposent, dans le pire des cas, à payer leur dû aux salariés.

Que les choses soient claires, la gradation dans la gravité des faits reprochés à Guillaume Barazzone (PDC), Rémy Pagani (Ensemble à gauche) et Esther Alder (Verts) est indiscutable. Pour tenter d’éteindre l’incendie qu’il avait lui-même allumé, Guillaume Barazzone a d’ailleurs été obligé d’annoncer qu’il ne se représenterait pas et de rembourser 80’000 francs. Une somme sans commune mesure avec celles reprochées à ses collègues.

Mais tous se sont complus à évoluer dans un cadre réglementaire archaïque – révisé depuis à l’aune de cette affaire, et ce n’est pas le moindre de ses mérites – prévoyant, outre un trop confortable salaire de 250’000 francs par an, un forfait de 13’000 francs et des notes de frais. Et ce sans contrôle. Cet épisode restera comme une tache sur le Conseil administratif à majorité de gauche.

Car enfin qu’attendons-nous d’un élu? Notamment qu’il soit exemplaire. D’autant plus lorsqu’il s’agit de gérer non pas son argent, mais l’argent public. Et que parmi leurs administrés, des milliers d’entre eux ne savent pas comment payer leurs factures. Est-ce trop demander qu’il ne confonde pas sa carte de crédit et celle liée à sa fonction? Sûrement pas.

Dans les pays nordiques, des élus ont quitté leur poste pour bien moins que ça. Songeons à l’ex-numéro deux du gouvernement suédois, Mona Sahlin, qui, en 1995, avait démissionné après avoir acheté, avec sa carte de crédit de fonction, pour 5000 euros de marchandises, et notamment deux Toblerone qui donneront leur nom à l’affaire. Ou en 2002, les députés allemands Cem Özdemir et Gregor Gysi, également contraints à la démission pour avoir utilisé à des fins privées les miles accumulés lors de leurs déplacements professionnels.

Tout comme Pierre Maudet avant lui, loin d’être mortifié, Guillaume Barazzone est resté en poste, alors même qu’il avait perdu toute crédibilité. Et ce n’est pas faire le lit du populisme que de dénoncer ceux qui s’affranchissent du contrat moral qui les lie à leurs électeurs. Tout au contraire, c’est en tolérant des pratiques d’un autre âge que nous légitimons le «tous pourris».

Opinions Édito Christiane Pasteur Notes de Frais Genève

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