Édito

Un bateau ivre dans la tempête

Un bateau ivre dans la tempête
Le 19 avril, Jair Bolsonaro est sorti de son palais pour manifester en faveur d’un coup d’Etat militaire lui conférant les pleins pouvoirs. Keystone
Brésil

Jair Bolsonaro survivra-t-il au coronavirus? La question se pose sérieusement tant les tuiles se succèdent pour le président ultraconservateur depuis l’arrivée de la pandémie au Brésil. Privé coup sur coup de ses deux ministres les plus populaires, M. Bolsonaro affronte les tempêtes sanitaires et économiques avec une cote en berne et la justice à l’affût. Aux abois, craignant de devoir bientôt assumer la responsabilité d’une catastrophe humanitaire, le chef de l’Etat cherche son salut dans la fuite en avant. Au point qu’on l’a vu sortir de son Palais, le 19 avril, pour manifester en faveur d’un coup d’Etat militaire lui conférant les pleins pouvoirs. Surréaliste!

La démission vendredi de Sergio Moro, son ministre de la Justice, clôt un cycle. L’ancien juge anticorruption réagissait au limogeage du chef de la Police fédérale par un Jair Bolsonaro inquiet des enquêtes menées contre les officines de propagande dirigées par l’un de ses fils. L’occasion était belle pour Sergio Moro de quitter le bateau avec 60% d’opinions favorables et une image pas trop salie par sa collaboration avec le pouvoir en place.

La fuite de Moro symbolise le fossé qui s’est creusé entre le président et cette partie de l’establishment brésilien qui avait misé en 2018 sur le leader populiste pour se débarrasser du Parti des travailleurs. Et qui prend aujourd’hui conscience de l’échec de son expérimentation. Sans les enquêtes à charge de Sergio Moro contre Lula, Jair Bolsonaro ne serait sans doute pas devenu président. Sans le soutien de cette frange de la droite, fortement implantée dans l’appareil judiciaire, on n’est pas sûr qu’il le restera longtemps.

Injustice suprême, même le patronat – qu’il a pourtant si bien servi – semble lâcher M. Bolsonaro. Avide d’une politique de relance, il mise désormais sur le général Braga Netto, pourtant chef de cabinet de Bolsonaro, pour mener à bien un plan d’investissements publics à l’insu du président et de son ministre de l’Economie, l’ultralibéral Paulo Guedes…

Le discrédit et les enquêtes judiciaires risquent toutefois d’être insuffisants pour envoyer dès aujourd’hui Jair Bolsonaro aux poubelles de l’histoire. L’absence de perspectives offertes par Hamilton Mourao, le vice-président et clone de Bolsonaro, devrait fermer la piste d’un impeachment. Sans oublier que les nombreuses forces politiques corrompues qui siègent à Brasilia n’ont pas à se plaindre du gouvernement.

Il est donc plus probable que le Brésil doive affronter les périls de ce temps dans la confusion politique, tributaire d’un capitaine en perdition.

Opinions International Édito Benito Perez Brésil

Connexion