Édito

Quelle tradition?

Quelle tradition?
En juin 2018, le Conseil fédéral avait souhaité assouplir la législation minimaliste régissant le secteur de l'armement pour permettre d’alimenter des pays en guerre. KEYSTONE
Armement

Le commerce de matériel de guerre: un domaine qui ne connaît pas la crise. Au premier trimestre de cette année, la Suisse a exporté pour quelque 394 millions de francs d’armement. Une somme rondelette, si on la compare à la période similaire de l’année précédente où ce secteur n’a représenté «que» 123 millions de francs. Cela représente une hausse de 220%! Durant ce premier trimestre, la Suisse a exporté autant d’armes que durant toute l’année 2016.

Ces chiffres, diffusés mardi par le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco), montrent tout d’abord que l’on ne peut guère parler de secteur sinistré. Contrairement aux plaintes récurrentes des marchands de canons et de blindés qui n’ont de cesse de plaider pour un assouplissement des lois tentant tant bien que mal de réguler ce secteur.

Rappelons qu’en juin 2018, le Conseil fédéral a souhaité assouplir la législation minimaliste régissant ce secteur pour permettre d’alimenter des pays en guerre, pour autant qu’il y ait des raisons de penser que ces engins ne seraient pas utilisés dans ce conflit… Ceci en violation crasse avec les promesses que l’Exécutif fédéral avait lui-même formulées lors d’une votation en 2008 initiée par les milieux pacifistes et visant à réglementer ces exportations.

Initiative de rattrapage

Face à ce scandale, une démarche parlementaire a tenté d’y mettre un peu d’ordre. Mais le lobby des armes a donné de la voix et le processus s’est arrêté net aux portes d’un Conseil des Etats dominé par ces milieux. Une initiative de rattrapage a donc été lancée. Elle sera déposée en juin. Les chiffres de mardi montrent qu’elle est d’actualité, plus que jamais.

Ceci d’autant plus, circonstances aggravantes, que la liste des pays avec lesquels il est commercé montre que la Suisse n’est pas très regardante. Si les pays européens restent les plus gros débouchés, on retrouve dans la liste des clients de l’industrie d’armement helvétique, des pays impliqués dans la sinistre guerre du Yémen, comme le Bahreïn, l’Arabie saoudite ou les Emirats arabes unis.

On se prend à rêver que la tradition humanitaire de la Suisse se porterait mieux si notre pays exportait, au hasard, des biens autrement plus utiles pour le bien commun tels que des masques de protection ou du gel hydroalcoolique, des denrées qui font si cruellement défaut actuellement, plutôt que d’alimenter ce sordide commerce de mort.

Opinions Édito Philippe Bach Armement

Connexion