Scène

Ma voix douce et basse

Le Courrier présente les critiques des étudiant-e-s du Programme romand en dramaturgie et histoire du théâtre. Monique Kountangni nous parle ici des Veilleuses.
Ma voix douce et basse
"Les Veilleuses". MARTIN REEVE
Théâtre

Sur la mélodie d’une série télévisée populaire débarquent trois femmes masquées, identiquement vêtues et coiffées. Elles sont jeunes et belles; pourtant on hésite entre le rêve et le cauchemar. Grâces, Parques ou sorcières de Macbeth, elles questionnent ce «pur bonheur» de la maternité que la société vend aux fillettes et aux femmes.

Le texte d’Anne-Frédérique Rochat donne à voir la pression sociale exercée sur les femmes et par les femmes; la violence des discours contre celles qui tentent de se soustraire à leur «mission»; la détresse de celles qui s’y soumettent et dont le corps se trouve comme exproprié; la perte de sens et de liberté. La mise en scène d’Olivier Périat – un montage de séquen­ces courtes et contrastées, déroulé sur un plateau nu, marquée par des éclairages tranchés qui mettent en valeur une chorégraphie très maîtrisée – est rythmée, alerte et souvent drôle. Les trois jeunes femmes échangent sur leur expérience de la grossesse. L’une a fait appel à un donneur de sperme, l’autre a fait un enfant dans le dos de son amant marié – un accident (dit-elle) – et la troisième est une «multirécidiviste» qui attend son sixième enfant. Clichés à gogo, elles racontent leurs histoires et prêtent voix à d’autres histoires. Elles égrainent les leçons apprises pour se convain­cre qu’elles doivent veiller à la pérennité de l’humanité. Pourtant la façade se craquelle, notamment avec l’histoire de Catherine, mère parfaite qui s’est donné la mort. Le spectacle bascule alors et ouvre la voie à celles qui osent se choisir un destin hors des sentiers battus. La tension monte. Certaines s’accrochent à leurs croyances, d’autres s’en libèrent: la machine est enclenchée. Une allégorie bouleversante aux accents bien réels qui ne peut qu’ouvrir la discussion entre femmes et hommes. Chapeau bas!

> La Grange de Dorigny, Lausanne.

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