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Un pas vers l’égalité?

Danielle Axelroud réagit à l’article «Un bonus de 2,8 milliards pour l’AVS» publié le 7 février dernier.
Retraites 

Dans cet article, vous rappelez le projet Berset de réforme de l’AVS qui vise à assurer le financement de cette institution jusqu’en 2030 avec deux mesures de financement. Je m’agace du fait que, régulièrement, l’élévation de l’âge de la retraite des femmes soit mentionnée en premier, comme si c’était la mesure la plus importante. Or, les fonds générés par l’augmentation du taux de TVA sont bien plus importants: 21 milliards de francs – alors que l’«harmonisation de l’âge de la retraite», compte tenu des mesures dites de compensation, n’amènera que 6-7 milliards de francs.

L’élévation de l’âge de la retraite des femmes à l’occasion de cette réforme n’est pas impérative. Une augmentation de la TVA de 0,2 (+ 0,9% au lieu de +0,7%) suffirait pour atteindre le but fixé sans prétériter les femmes. Cette option a d’ailleurs été examinée par le Conseil fédéral, et rejetée – sans qu’on puisse lire dans le message pourquoi. En fait, le Conseil fédéral nous dit: l’harmonisation de l’âge de la retraite, on la désire depuis longtemps. Est-ce un motif suffisant pour la justifier? L’élévation de l’âge de la retraite – pour les hommes comme pour les femmes – est certes un thème dans l’air du temps, mais il mérite un large débat et des arguments autrement plus solides.

Le Conseil fédéral nous dit: l’harmonisation de l’âge de la retraite, c’est un pas vers l’égalité. Mais depuis 2005 (introduction de l’assurance-maternité), l’égalité entre les femmes et les hommes n’a fait que des pas de fourmis. La révision de la loi sur l’égalité ne garantit toujours pas l’égalité salariale, et l’introduction de seuils de représentativité dans les conseils d’administration et dans les directions des toutes grandes entreprises n’est accompagnée d’aucune sanction ni véritable obligation. Le principe constitutionnel d’égalité entre les femmes et les hommes est censé, une fois de plus, cautionner de nouvelles obligations pour les femmes. Le projet de Monsieur Berset comporte, certes, des mesures d’accompagnement pour faire passer la pilule. Ces propositions portent le nom de «mesures compensatoires». Or, il ne s’agit là aucunement de compensations – comme a pu l’être l’introduction du splitting en 1997. Ce ne sont que des mesures de transition qui visent à adoucir les conséquences de la réforme pour certaines femmes proches de la retraite.

L’élévation de l’âge de la retraite des femmes, sans les mesures de transition, ce sont des économies de l’ordre de 10 milliards de francs jusqu’en 2031. Mais chaque année, il manque dans le portemonnaie des femmes presque 12 milliards de francs – c’est ce que représente pour toutes les femmes qui travaillent la différence salariale «inexpliquée» (657 francs par mois pour un plein temps). Sur dix ans, ce revenu qui manque générerait des cotisations AVS pour 10 milliards de francs. Pourquoi le Conseil fédéral ne s’attaque-t-il pas sérieusement à la concrétisation du principe constitutionnel de l’égalité au lieu de faire passer les femmes à la caisse, une fois de plus?

Les femmes étaient nombreuses à refuser le dernier projet de réforme des retraites (PV 2020), à cause de l’élévation de l’âge de la retraite qu’il prévoyait. En juin dernier, elles étaient des centaines de milliers à faire grève, pour revendiquer l’égalité. Aujourd’hui, le collectif de la grève féministe dit: 65 ans c’est toujours NON!

Danielle Axelroud,
Nyon

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