Le défi était de taille. L’Union syndicale suisse et les associations partenaires à la base de l’initiative pour une treizième rente AVS n’avaient pas la partie facile. Ils et elles ont réussi leur pari et emporté le morceau par 58% des voix et une majorité nette de 14 cantons et 2 demi-cantons.

La base du bloc bourgeois s’est fissurée sur cet objet. Et la campagne de peur qui a été distillée n’a pas suffi à faire basculer le résultat. On peut même se poser la question si l’instrumentalisation d’ancien·nes conseiller·ères fédéraux ne s’est pas révélée contreproductive. Que des personnes gavées d’argent public viennent sermonner le bon peuple en lui demandant de se serrer la ceinture n’a pas passé.

On revient de loin. Ce rapport de force est aussi la résultante d’un travail de fond au sein des syndicats et des partis de gauche. Le refus en votation en septembre 2017 du projet Prévoyance vieillesse 2020 avait cristallisé des divisions au sein des différentes organisations de gauche. Fruit d’un compromis – boiteux –, cet objet était soutenu par la gauche institutionnelle mais combattu par les courants radicaux. Le front a ensuite été plus unitaire contre AVS +.

Cela a sans doute ouvert des perspectives pour les forces ne s’avouant pas battues d’avance. Et le texte répondait à une urgence: le pouvoir d’achat des travailleur·euses et des rentier·ères s’érode, entre les hausses des primes maladie, des loyers et la non compensation de l’inflation, un effet porte-monnaie et de survie élémentaire a sans doute joué. La droite paie le prix d’être sourde à cette misère, elle qui entendait au contraire faire travailler plus longtemps les Suissesses et les Suisses.

Politiquement, faire de cette victoire de la gauche la résultante d’un refus du consensus, comme le font depuis dimanche les partis de droite est sans doute un peu court. Le vote est historique – jamais la gauche n’avait réussi à faire progresser le premier pilier – et porteur de perspectives politiques progressistes. Un tournant en rupture avec l’extrême droitisation constante de la vie politique suisse s’est peut-être amorcé.

Il faudra s’appuyer sur cette mobilisation populaire – une participation de 58% est à relever! – lors du très compliqué scrutin de juin prochain. Le peuple se prononcera alors sur l’initiative socialiste visant à plafonner à 10% du revenu les primes d’assurance maladie. Celles-ci sont hors contrôle et leur hausse permanente est une des premières causes de pauvreté en Suisse. Et, à l’automne probablement, le Souverain votera sur une réforme du deuxième pilier voulue par la droite. Un projet antisocial, il s’entend.

Dimanche, l’horizon s’est un peu dégagé pour les tenants et tenantes d’un minimum de justice sociale. Les combats qui s’annoncent seront rudes. Mais, en attendant, ne boudons pas notre plaisir.