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OSAR: l’arroseur arrosé

Yves Brutsch se montre très critique face à la nouvelle procédure d’asile.
Asile

«La rapidité l’emporte sur l’équité» affirme l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) en faisant dans Le Courrier du 7 février la critique de la nouvelle procédure d’asile, dont il a pourtant été le plus fervent supporter, lors du référendum voté le 5 juin 2016. C’était pourtant ce qu’annonçait alors le Comité pour la sauvegarde du droit d’asile (SDA) qui faisait campagne pour le non. Tout le monde savait bien, à l’époque, qu’on ne pouvait pas accélérer la procédure d’asile à tout va sans mettre en danger les réfugiés (danger de mort dans certains cas). Il est en effet infiniment complexe de démontrer (en quelques jours!) ce qui s’est passé exactement dans les pays d’origine, surtout quand celui qui demande l’asile ne comprend rien à notre façon de faire et aurait besoin de temps pour panser ses plaies.

En jouant le jeu de la «réforme Sommaruga» (qui leur a donné de nouvelles tâches fortement subventionnées pour une soi-disant aide juridique, mais qui reste cependant très loin d’une véritable assistance juridique par un avocat indépendant, comme en bénéficient les accusés dans un procès pénal), en cherchant à tout prix à faire passer cette législation pour assurer son avenir, l’OSAR et ses membres ont trahi leur âme.

Il n’y a qu’une seule chose qui a déterminé la position de ces «grandes» œuvres d’entraide: l’argent. Car avec la disparition du mandat fortement rémunéré des représentants d’œuvres d’entraide (ROE) observant les auditions, l’OSAR et ses membres perdaient une part essentiel de leur budget. La survie de l’OSAR est en jeu, m’a confié à l’époque l’un des responsables de ces organismes.

L’hypocrisie est à son comble lorsque l’OSAR affirme que «la protection juridique systématique est (sa) vieille revendication». La vérité est que, lorsque cette idée a été mise en avant par les centres sociaux protestants, à la fin des années 1980 déjà, l’OSAR l’a combattue avec la plus grande détermination pour éviter de voir disparaître la présence rémunérée de ses ROE.

Elle n’y est revenue quinze ans plus tard qu’en désespoir de cause en s’illusionnant sur la véritable finalité du nouveau système qui est de renvoyer le plus de demandeurs d’asile le plus vite possible. Et elle ne peut plus aujourd’hui que plaider naïvement pour une nouvelle révision de la loi qui améliorerait les choses, mais qui ne résoudrait fondamentalement rien. Car le cadre actuel ne permet pas de respecter la dignité et la sécurité des demandeurs d’asile, dans un pays qui a fourni à toute l’Europe le modèle du démantèlement du droit d’asile en inventant les centres d’isolement, l’arbitraire des renvois vers les pays de transit, les rejets fondés sur la notion aberrante de «pays sûrs» et les vols spéciaux. Et malgré tout, oui, il faut bien souhaiter que les choses s’améliorent, mais sans se voiler la face. La situation actuelle est catastrophique, et dans le contexte politique actuel, elle ne changera plus qu’à la marge.

Yves Brutsch,
ex-président du comité pour la sauvegarde du droit d’asile, porte-parole des CSP de 1985 à 2010

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