Contrastes et espoirs
Un résultat contrasté. Le week-end électoral a vu les Suissesses et les Suisses se montrer ouverts sur des questions sociétales (63% de «oui» pour pénaliser l’homophobie) mais conservateurs sur des questions sociales (57% de «non» à l’initiative de l’Asloca, le lobby des locataires, visant à augmenter la part de logement social et plus particulièrement les coopératives).
Du côté du verre à moitié plein, saluons donc le progrès indubitable que constitue l’extension de la norme pénale antiraciste aux propos dénigrants en cas d’orientation sexuelle minoritaire. Seuls deux cantons et demi (Uri, Schwyz et Appenzell Rhodes-Intérieures) se sont laissés prendre au discours trompeur des référendaires.
Non, il n’était pas question de censure, le mot d’ordre «on ne peut plus rien dire» sert surtout de faux nez aux milieux les plus susceptibles de piétiner allègrement la dignité humaine. Oui, les mots ont un sens, ils peuvent blesser, meurtrir, voire tuer. De se donner quelques règles en la matière est politiquement un progrès. La jurisprudence dans l’application de la norme pénale antiraciste qui a été étendue ce dimanche aux propos homophobes indique que ce sont bien les insultes et les attaques destructrices qui seront poursuivies et non les dérapages de bistrot ou les éructations de stades.
La très large acceptation de ce principe montre que les mentalités ont évolué et continueront de le faire. Cela est de bon augure pour la suite du débat. A savoir que le principe de l’égalité de toutes les personnes est mieux compris et sereinement vécu. L’ouverture du mariage à toutes et à tous sera le prochain rendez-vous, avant celui, sans doute plus sensible, sur l’accès à la procréation médicalement assistée.
En revanche, relevons que sur le plan économique, le cheminement est lent, très lent, vers un autre monde dont on sait qu’il est possible. La campagne massive des milieux immobiliers guère disposés à lâcher ne serait-ce qu’un bout de leur lucratif fromage a dynamité l’initiative des milieux locataires. Et la pression sur les loyers n’est pas la même dans les grands centres urbains –qui ont soutenu ce texte– que dans les campagnes.
Mais, même dans des cantons comme Genève, favorable au texte de l’Asloca, le discours est contradictoire: le canton du bout du lac a certes approuvé l’initiative, mais refusé deux projets de déclassement pour réaliser du logement. Bref, un effort pédagogique doit être fait pour faire comprendre que l’habitat ne devrait pas être une marchandise, que le marché ne s’intéresse qu’à la demande solvable et que la mixité sociale est une richesse.
Il faudra injecter une bonne dose d’utopie et d’alter-économie pour faire évoluer les mentalités. Un petit coup d’œil du côté du canton de Vaud montre que rien n’est impossible. Le score des plus honorables de la candidate climatique Juliette Vernier, qui arrive à quelque encablures de l’apparatchik libérale en Ville de Lausanne, montre que rien n’est coulé dans le béton.