Édito

Une si mauvaise nouvelle?

Une si mauvaise nouvelle?
Manifestation contre les activités de Glencore en RDC en mai 2018 à Zoug à l'occasion de l'assemblée annuelle de la multinationale. KEYSTONE
Multinationales

Même fraîchement rénové, le Conseil des Etats demeure un bastion conservateur et un grand défenseur de «l’économie». La chambre haute du parlement a voté mercredi un contre-projet ultralight – inspiré par la conseillère fédérale Keller-Sutter – à l’initiative «pour des multinationales responsables». Cela, alors même que le National avait élaboré un autre contre-projet, jugé, lui, acceptable – malgré d’importantes retouches – par les initiants et appuyé par de larges pans de l’économie helvétique.

Le message des sénateurs est clair: toute mesure contraignante est de trop. Demandons seulement aux entreprises d’émouvantes déclarations d’intention et quelques règles théoriques sur le travail des enfants – qui sont déjà une obligation internationale. Pour rappel, l’initiative veut obliger les multinationales ayant leur siège en Suisse à respecter les droits humains et l’environnement dans les pays où elles – ou leurs filiales – opèrent. Elle implique que les transnationales manquant à ces obligations basiques doivent en répondre devant la justice.

Le traitement du texte a pris deux ans et vingt réunions en commission. D’après les sondages, l’initiative bénéficie d’un large soutien de la population. Et peut compter sur un vaste réseau d’organisations qui la portent, tout comme une plateforme d’entreprises et même d’un «comité bourgeois». Mais le Conseil fédéral et les Etats matraquent leur mantra: «Ne pas nuire à la place économique.» Ils agitent une fois de plus la menace de la fuite des multinationales si on ose leur imposer quoi que ce soit.

Un contre-projet si minimal est-il cependant une mauvaise nouvelle, alors qu’il oblige dans les faits à un maintien de l’initiative? Bien sûr, la campagne populaire n’est pas encore lancée. Les multinationales vont puiser dans le puits sans fond de leurs comptes en banques pour étaler leurs larmes de crocodile et menacer de quitter la région en cas d’acceptation. On le sait, dans ce type de campagne, les initiatives citoyennes – même très populaires – perdent des dizaines de points à l’approche du vote final. Il n’empêche qu’un contre-projet aussi «alibi» renforce la possibilité que l’initiative soit acceptée.

Ce serait une excellente mesure. Tant les entreprises comme Glencore et Syngenta – par exemple– sont désastreuses pour les pays où elles opèrent et leurs populations. Mais aussi pour l’image de la Suisse, qui héberge, avec une certaine fierté, les sièges de multinationales aux pratiques néfastes. D’autant que d’autres pays, comme la France, ont déjà avancé en la matière.

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