Édito

Poule aux œufs d’or, vraiment?

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Le Conseil fédéral ne veut pas de l’initiative populaire «pour des entreprises responsables». Il a recommandé vendredi de la rejeter, n’estimant pas même nécessaire de lui proposer un contre-projet. Pour rappel, le texte demande aux sociétés suisses d’«examiner régulièrement les conséquences de leur activité sur les droits de l’homme et l’environnement». Celles qui ne respecteraient pas leur devoir de diligence répondraient de leurs actes devant la justice helvétique.

L’initiative vise surtout le secteur des matières premières, bien implanté en Suisse et décrié par les ONG pour les dégâts sociaux et environnementaux qu’il génère. Car des scandales liés à l’extraction de l’or ou du pétrole éclaboussent régulièrement le pays, et «lui font courir un risque de réputation», admettait vendredi Simonetta Sommaruga. Hasard du calendrier, l’annonce tombait trois jours après l’inculpation de Gunvor, négociant genevois en pétrole, pour corruption au Congo-Brazzaville (notre éditorial du 13 septembre).

La ministre socialiste de la Justice a reconnu que les populations des zones d’extraction «ne profitent pas» de ces activités. Contrairement à notre place économique, qui se targue de bénéficier des retombées du secteur. Le Conseil fédéral ne souhaite donc pas faire fuir la poule aux œufs d’or. Il préfère miser sur la confiance et assure que son plan d’action de 2015 sur la responsabilité sociétale des entreprises reprend en bonne partie les exigences de l’initiative. Tout en expliquant que celle-ci «va trop loin» et risque de pousser les entreprises à «déplacer leur siège à l’étranger».

Les estimations tablent sur 10 000 emplois créés en Suisse par le secteur, répartis entre 500 entreprises, mais ces firmes bénéficient de régimes fiscaux spéciaux qui peuvent faire tomber leur taux d’imposition jusqu’à 3,5%. Sur l’arc lémanique, cela représenterait 400 millions de francs par an de ressources fiscales directes – montant à mettre en regard des milliards de chiffres d’affaires brassés par la branche (lire notre enquête du 13 avril 2013).

Or cet argent ne tombe pas du ciel: il est issu de l’exploitation effrénée des ressources naturelles d’autres pays, au détriment de leurs habitants. Le gouvernement suisse avait l’opportunité de placer le respect des droits humains avant les profits économiques. Vendredi, il a annoncé son choix. La bataille se jouera donc dans les urnes. I

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