Suisse

Miroir, mon beau miroir…

Miroir, mon beau miroir…
En reconduisant le PLR Ignazio Cassis à la tête des Affaires étrangères, la Suisse choisira de s’incarner dans ce conservateur médiocre. KEYSTONE/Peter Schneider
Conseil fédéral

Au soir du 20 octobre, la Suisse officielle et médiatique n’y voyait que du Vert. Tsunami ou simple vague, pas un expert de la chose publique, pas un acteur du landernau n’oubliait de souligner sa «surprise» et la nécessité d’«entendre le message» de la population. Un mois aura suffi pour sonner la fin de la récré.

Ce Parlement plus vert que jamais, rajeuni, féminisé, recentré, s’apprête donc à confirmer l’un des gouvernements les plus réactionnaires que la Suisse – pourtant blasée en la matière – ait connu. Au pays de la concordance (quand ça nous arrange), la formule magique du Conseil fédéral est appelée à prendre des libertés avec les maths: deux sièges gouvernementaux sur sept reviendraient au PLR et ses 15% d’électeurs, et aucun aux écologistes, dont les deux phalanges ont pourtant reçu l’appui de 21% des votants. C’est dire si le message du 20 octobre a été entendu!

La politique n’est pas arithmétique, nous répond-on. Justement. Le choix d’ignorer la légitime revendication des Verts et le message populaire doit être perçu comme tel: politique. Derrière le verdissement des discours, malgré la féminisation des travées, le pouvoir demeure en mains des mêmes lobbies, d’une même vision archaïque du monde.

Bien sûr, l’arrivée d’une femme écologiste de gauche au gouvernement ne suffirait pas à bouleverser la donne ni à acter la prise de conscience climatique. Mais la politique est aussi affaire de symboles et d’équilibres. Mercredi 11 décembre, la Suisse officielle se mirera dans son miroir. Et en reconduisant le PLR Ignazio Cassis à la tête des Affaires étrangères, elle choisira de s’incarner dans ce conservateur médiocre.

Un homme politique vacillant dans ses stratégies mais fidèle à des principes: servitude à l’égard des puissants – Etats-Unis, Chine, Israël, multinationales –, condescendance pour tous les autres. Un conseiller fédéral qui met en œuvre, au mépris de la Constitution, la politique rêvée il y a dix ans par Christoph Blocher de démantèlement de la Coopération au développement. Détricotage dramatique d’une institution pourtant réputée dans le monde pour son sérieux et son indépendance, réalisé dans un contexte global de subordination de la diplomatie aux intérêts des capitaux basés en Suisse.

A l’heure où les défis climatiques et sociaux inscrits à l’Agenda 2030 des Nations unies donnent une responsabilité accrue aux Affaires étrangères, celles-ci sont confiées à un chien de garde du capitalisme. Il n’y a là aucun hasard. Seulement un choix.

Suisse Benito Perez Conseil fédéral Berne

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