Vaud

Vaud tient sa droite

Dans le canton de Vaud, Olivier Français est largement réélu aux Etats. La verte Adèle Thorens devance la socialiste Ada Marra.
Vaud tient sa droite
Un nouveau tandem bleu-vert représentera les Vaudois, alors que la socialiste Ada Marra reste au National. KEYSTONE
Fédérales 2019

C’est un homme rayonnant qui est arrivé hier peu avant 14 h sur la place du Château, à Lausanne, sous un tonnerre d’applaudissements. Non seulement Olivier Français a été largement réélu lors du 2e tour des élections fédérales au Conseil des Etats, mais il est arrivé en tête. Après les vagues verte et violette du premier tour, voilà la vague bleue vaudoise, couleur du PLR. Le sortant devance de plus de 3000 voix l’écologiste Adèle Thorens, qui s’est placée deuxième. La socialiste Ada Marra arrive troisième avec plus de 10’000 suffrages de retard sur le sortant et ne siégera pas à la Chambre des cantons. C’est donc un nouveau duo PLR-Verts qui représentera le canton de Vaud au Conseil des Etats.

«C’est une belle remontada.» Marc-Olivier Buffat

«Ce résultat est la troisième grosse surprise de ma carrière politique. Cela rend la victoire encore plus belle », s’est exclamé Olivier Français. Le conseiller aux Etats sortant indique avoir «travaillé dur» pour présenter son bilan ces dernières semaines. Pour Marc-Olivier Buffat, président du PLR vaudois, «Olivier Français a fait une très bonne campagne. C’est une belle remontada.» Quant au conseiller d’Etat Pascal Broulis (plr), il arborait lui aussi un large sourire. «Olivier Français a su mettre en avant son travail, notamment en faveur des infrastructures. Et le PLR a réussi le tour de force d’avoir le soutien de l’UDC.»

COMMENTAIRE

Un tournant historique à gauche

L’époque où les roses régnaient en maîtres dans les rangs de la gauche
est révolue. Après avoir accumulé les victoires, les socialistes n’imaginaient pas perdre un siège acquis il y a vingt ans… au profit de ceux qu’ils ont toujours considérés comme leurs petits frères. Désormais, ils devront traiter
avec les écologistes d’égal à égal.

Alors qu’une partie de l’électorat a glissé vers les Verts, une réflexion à l’interne du PS sur la relève sera nécessaire. Le Parti socialiste a moins su que les écologistes donner de l’espace aux nouvelles voix qui s’expriment dans les mouvements sociaux. Adèle Thorens a été ­portée par la vague verte grâce aussi
à la place que son parti donne aux plus jeunes, dont des militants du climat.
Ada Marra, malgré son engagement
sur l’égalité, a moins bénéficié de la vague violette. Il faut dire qu’à force
de revirements, le PS n’a pas su toujours donner un message clair, notamment sur l’âge de la retraite des femmes.

Pour les Verts, le pari sera de ne pas
se brûler les ailes et de proposer des ­solutions à la hauteur des enjeux écologiques. Se présenter à l’élection complémentaire pour remplacer Jacqueline
De Quattro au Conseil d’Etat serait risqué. Les Vaudois ont montré aujourd’hui qu’ils ne voulaient pas bousculer les équilibres. L’échéance décisive sera donc les communales en 2021. Arrivés devant le PS, les Verts devront montrer qu’ils ont une base assez solide pour faire
leur place dans les exécutifs.
SOPHIE DUPONT

Un gros retard comblé

La partie était pourtant loin d’être gagnée pour Olivier Français. Au 1er tour, avec 53 049 voix, il accusait un retard de plus de 19 000 voix sur le ticket rose-vert. Adèle Thorens était arrivée première (avec 72 416 suffrages), suivie par Ada Marra (qui avait obtenu 71 997 bulletins en sa faveur). Le sortant a donc gagné plus de 33 000 voix par rapport au 1er tour. «J’ai su rassembler autour de ce que je représente et autour de mon bilan», a sobrement commenté Olivier Français. Jacques Nicolet, président vaudois des démocrates du centre, ne se dit pas surpris. «L’élection d’Olivier Français montre que la droite a la capacité de se mobiliser. L’élu PLR devance tout de même Ada Marra de 10 000 voix.» Un coup d’œil à la carte du canton montre en effet l’étendue des dégâts pour le parti à la rose: seules trois petites communes – Ferreyres, Mauraz et Montpreveyres – ont placé la socialiste en première position.

Dans toutes les villes du canton, Ada Marra est dépassée par sa colistière verte. Ainsi, Adèle Thorens s’est placée en général en tête, sauf à Moudon, Payerne et Aigle où Olivier Français est arrivé premier. A Montreux, Morges, Gland, Bex et Montreux, la verte est talonnée par le candidat sortant. A Vevey, Lausanne, Renens, Nyon et Yverdon, Adèle Thorens atteint la première marche du podium, suivie d’Ada Marra. La socialiste était pourtant arrivée première dans de nombreuses communes au 1er tour, notamment à Montreux, Gland, Nyon et Bex.

Les roses perdent ainsi le siège qu’ils n’avaient pas quitté depuis 1999. Au stamm commun du Parti socialiste et des Verts, c’est le choc. Les deux candidates sont arrivées ensemble, sous les longs applaudissements des camarades, la larme à l’œil. «J’ai un œil qui rit, un œil qui pleure. Je vais rester ferme et continuer à me battre au Conseil national pour la santé, les retraites, le congé parental», a déclaré Ada Marra en félicitant sa colistière. «Je vous dis merci et suis désolée si je vous ai déçus», a-t-elle ajouté à l’attention des militants.

Adèle Thorens s’est dite contente et émue. Elle a insisté sur la défense d’un programme commun aux Verts et aux socialistes dans son futur mandat: «Je dialoguerai toujours avec Ada Marra, qui m’a sensibilisée notamment sur le thème des inégalités à l’arrivée à la retraite. C’est le dossier sur lequel j’ai le plus appris à ses côtés.»

Si le PLR arbore un large sourire, c’est aussi le cas des Vert’libéraux. «Les Vaudois ont suivi notre mot d’ordre», s’est réjoui François Pointet, le président de la section cantonale. «Hier encore (samedi, ndlr), je n’aurais parié sur aucun candidat spécifiquement. Il est clair que la droite a réussi à mobiliser ses sympathisants. Nous continuerons à avoir une relation privilégiée avec le PLR et les Verts.

A noter encore que les deux élus aux Etats permettent, côté PLR, à Laurent Wehrli de retrouver sa place au Conseil, et côté Verts à Valentine Python, une climatologue de La Tour-de-Peilz d’y accéder.

Le climat avant le social

La prédominance du thème climatique a fait de l’ombre à la candidate socialiste.

Pour expliquer la débâcle du PS, les camarades pointent surtout du doigt une mobilisation spectaculaire de la droite. «Le résultat montre qu’on est dans un canton de droite et qui récompense le sortant. Vaud est attaché à cet équilibre gauche-droite», analyse la conseillère d’Etat socialiste Cesla Amarelle. Les thématiques portées par les socialistes – retraites, assurance-maladie –, sur lesquelles Ada Marra s’est profilée, ont moins porté que la question climatique. Une partie de l’électorat socialiste s’est tourné vers les écologistes. «Pour certains, nos différences sont faibles. Et cela a profité aux Verts. Notre job n’est pas de récupérer cet électorat, mais de reconquérir des voix du côté des jeunes, des abstentionnistes qui ne voient pas notre travail», relève le conseiller national Samuel Bendahan.

Pour la droite, le choix d’Ada Marra comme candidate a desservi le PS. «Nous nous attendions à ce que les socialistes fassent mieux. Avec Roger Nordmann, le ticket aurait été équilibré. Avec Pierre-Yves Maillard, le PS avait le siège», estime Jacques Nicolet, président vaudois de l’UDC. Les socialistes font, quant à eux, bloc derrière le choix de leur candidate. «Pendant la campagne, certains nous ont dit qu’Ada Marra était trop à gauche. Mais son profil défend nos valeurs. Nous devons pouvoir dire que nous travaillons pour les plus faibles», a souligné la députée Valérie Induni. Autre facteur: les nouveaux électeurs venus des mouvements sociaux se seraient démobilisés pour le deuxième tour. «Nous ferons le bilan et allons rapidement nous replonger dans les élections communales de 2021», indique Jessica Jaccoud, présidente du PS Vaud, qui compte a priori se représenter pour un nouveau mandat au printemps prochain.

Hier, Verts et socialistes insistaient sur la nécessité de leur alliance. «Nous avons fait campagne ensemble. Les Verts sont aujourd’hui une force politique importante. Mais cela ne change rien à l’alliance avec le PS, qui fonctionne bien», assure Alberto Mocchi, président des Verts vaudois. Pour la prochaine échéance, l’élection complémentaire au Conseil d’Etat, les Verts décideront mercredi s’ils présentent un candidat. SDT/SP

Suisse Vaud Sophie Dupont Sevan Pearson Fédérales 2019

Connexion