Rente-pont: réponse sincère ou deal?
Le débat devrait être traité dès la session d’hiver du parlement fédéral. Mercredi, le Conseil fédéral a renvoyé aux Chambres le projet de rente-pont à partir de 60 ans destinée aux chômeurs âgés en fin de droit. La loi est bien sûr nécessaire: les travailleurs seniors sont discriminés sur le marché du travail.
Mais pour souhaitable qu’il soit, ce projet ne doit pas dispenser d’une certaine vigilance. Le mécanisme social proposé est d’ores et déjà le fruit d’un compromis; le patronat, lui, plaide pour que l’âge donnant droit à cette prestation soit relevé à 62 ans. Ce qui est évidemment absurde. C’est à partir de 55 ans que les personnes éjectées du marché du travail se retrouvent en difficulté. Le périmètre de ce système devrait logiquement être étendu de cinq ans.
Sur le plan politique, relevons la contradiction qu’il y a à mettre en place un filet social pour les travailleurs et travailleuses en fin de carrière tout en voulant rallonger la durée de travail d’une année pour les femmes, comme le propose Alain Berset.
Il faut bien constater que ce projet de rente-pont est un contre-projet qui ne dit pas son nom à l’initiative de l’UDC visant à torpiller la libre-circulation des travailleurs et sur laquelle le peuple pourrait voter au mois de mai.
Si l’unique but est de contrer un texte qui serait désastreux pour le sort des travailleurs et travailleuses – il renverrait dans la clandestinité et le précariat les catégories sociales les plus fragiles –, on peut dire que c’est de bonne guerre. Mais gardons tout de même à l’esprit qu’on est dans le cas d’école d’une fusée à deux étages: au-delà de l’initiative du parti blochérien se trouve l’accord-cadre avec l’Union européenne qui liquide purement et simplement les mécanismes de protection sociale. Il serait fâcheux que le périmètre du deal entre partenaires sociaux sur la rente-pont englobe cet accord.
On a vu dans un passé récent que les partis de droite et les formations de gauche étaient prêts à lâcher ce qu’ils considéraient pourtant comme des tabous si la compensation en valait la peine: la baisse massive de la fiscalité des entreprises comprise dans la reforme de la fiscalité et du financement de l’AVS (RFFA) contre un refinancement de l’AVS.
Des cas mettant en évidence que le consensus politique peut mener à des compromissions aux effets pernicieux: vider les caisses de l’Etat dans le cas de la RFFA. Souhaitons que cette fois-ci, la ligne rouge ne sera pas franchie.