Trudeau, deuxième essai
Les 27 millions de Canadiens appelés aux urnes lundi avaient le choix entre le mal et le moindre mal. Ils n’ont choisi ni l’un ni l’autre: s’il conservera son poste de premier ministre, le libéral Justin Trudeau (PLC, centre) ne détient plus les pleins pouvoirs, forcé de composer avec les vingt-quatre députés du Nouveau Parti démocratique (NPD, gauche) pour obtenir la majorité au parlement. Quant au (très) conservateur Andrew Scheer, il devra se contenter – au mieux! – de diriger l’opposition à Ottawa.
De toute évidence, le naguère flamboyant Trudeau a sauvé sa place in extremis grâce au vote barrage d’un électorat féminin et jeune, effrayé par le discours climato-sceptique et réactionnaire d’Andrew Scheer. Un vote contraint qui, additionné au tout petit tiers de suffrages obtenus, témoigne de la déception ressentie par les Canadiens qui avaient porté Justin Trudeau au pouvoir en 2015. Et souligne la faible base populaire dont disposera son second mandat.
Dans ce pays disposant de réserves considérables de pétrole dérivé des sables bitumineux, l’enjeu environnemental apparaît toujours plus central. Ecartelé entre la croissante sensibilité écologique des Canadiens et le poids du secteur pétrolier de l’Alberta et du Saskatchewan, M. Trudeau a louvoyé durant quatre ans, entre taxe carbone et soutien à l’exportation des hydrocarbures les plus sales qui soient. Au point de s’aliéner les deux camps.
L’attitude n’a pas surpris au Canada, tant le PLC est habitué à faire, à l’instar des démocrates étasuniens, le grand écart entre progressisme et affairisme, intérêt public et business as usual. Le scandale de la multinationale SNC-Lavalin, que Justin Trudeau a voulu épargner de poursuites judiciaires pour corruption, au risque de sacrifier sa jeune ministre d’origine amérindienne, l’a encore cruellement rappelé au début de l’année.
Pour le Québécois, ce second mandat pourrait être l’occasion d’opérer enfin un choix. Paradoxalement, sa demi-défaite lui offre l’opportunité de revenir à l’élan de 2015, lorsqu’il avait déboulonné le négationniste climatique Stephen Harper. Avec trois alliés potentiels à la Chambre des représentants – écologistes, Bloc québécois et NPD – tous plus verts que le PLC, il a tout en main pour débuter la mutation de ce gigantesque pays minier regorgeant de ressources naturelles, en pionnier de la défense de l’environnement et leader des énergies renouvelables.
Victime, bien plus que d’autres, du réchauffement climatique, héritant d’un modèle d’aménagement du territoire catastrophique, le Canada devra tôt ou tard payer la facture des choix du passé. Autant l’étaler dans le temps.