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En finir avec les préjugés sur les personnes sans statut légal

Migrations

Très peu abordée pendant la campagne pour les élections fédérales (hormis par la gauche radicale), la question des personnes sans statut légal («sans-papiers») mérite qu’on s’y attarde. Le thème est d’autant plus important que l’on assiste à un repli nationaliste en Europe et dans monde qui n’épargne pas la Suisse.

Les sans statut légal sont des personnes dépourvues de titre de séjour, mais pas de papiers d’identité. D’après la Plateforme nationale pour les sans-papiers, on en compte entre 58 000 et 105 000 en Suisse et 13 000 dans le canton de Genève. Dans leur grande majorité, ces personnes ne relèvent pas de la procédure d’asile. Ces femmes et ces hommes œuvrent dans nos champs, nos cuisines de restaurants, et au sommet de nos bâtiments en construction. La moitié – dont une écrasante majorité de femmes – travaille dans des ménages privés, où elles s’occupent de nos enfants, de nos aîné-e-s et de nos proches dépendant-e-s. Les sans statut légal ne remplissent malheureusement pas nos salles de classe autant que nos centres de détention administrative et nos tribunaux de l’immigration!

Aux yeux de l’opinion publique, les personnes sans statut légal sont perçues comme des étranger-e-s ayant traversé la frontière clandestinement. Pour leurs défenseurs, ce sont des travailleurs/ses qui occupent des emplois dont les Suisses ne veulent pas. Leur seul souhait est de gagner discrètement leur vie pour subvenir à leurs besoins et ceux de leurs enfants. Du point de vue des populistes d’extrême-droite, ce sont des criminel-le-s qui menacent nos quartiers, volent nos emplois, sapent nos ressources et exploitent la générosité suisse. Ainsi, ils et elles devraient être expulsé-e-s et à coup sûr le seront.

D’après leurs propres témoignages, les sans statut légal vivent dans des situations précaires. Ils et elles font face à un risque accru et disproportionné de pauvreté, d’exclusion sociale et de discrimination. Ils et elles sont la cible directe de violations des droits humains et risquent l’expulsion. Ils et elles rencontrent de grandes difficultés pour obtenir et garder un permis de travail en raison de la multiplicité des lois suisses sur la migration et de traités bilatéraux qui n’avantagent que les citoyen-ne-s de l’Union européenne.

Les experts soulignent que le plus gros problème réside dans le fait que certains employeurs sont trop désireux de les embaucher et de les exploiter car ils et elles sont disposés à travailler de longues heures pour de bas salaires. Les questions à propos de leur statut migratoire sont rarement posées tant que personne ne se plaint. Mais, en cas de problèmes tels que des blessures au travail, une demande d’augmentation de salaire ou d’accès aux syndicats, un appel téléphonique à la police suffira à entraîner leur expulsion.

L’inégalité à laquelle ils et elles sont confronté-e-s aboutit à une segmentation accrue du marché du travail et à une normalisation de conditions de travail abusives. Les bas salaires augmentent la pauvreté au sein de la population. C’est une des raisons de l’hostilité envers eux. Leur présence est alors considérée comme une concurrence déloyale pour les emplois. Dans les faits. au contraire, des études ont montré que l’écrasante majorité des emplois qu’ils occupent ne trouveraient aucun candidat suisse ou de l’UE.

Alors que nombre d’entre elles et eux – y compris les enfants – devraient être en mesure de pouvoir régulariser leur statut à l’avenir, les restrictions auxquelles ils et elles font face pour accéder à la formation, au logement, au travail et aux services de santé représentent un déni de leurs droits fondamentaux. De plus, ces limitations gaspillent non seulement leur potentiel, mais peuvent avoir également des effets néfastes à long terme sur la santé publique. Ces constats rendent toute stratégie politique qui prend en compte uniquement leur pays d’origine et leur statut de résidence contre-productive.

Le rôle des institutions en charge de l’immigration et de l’intégration devrait être de proposer des mesures concrètes pour la régularisation, l’emploi, la formation et l’inclusion socioprofessionnelle des migrant-e-s sans statut légal afin de garantir des conditions de travail équitables, inclusives et justes et, par voie de conséquence, assurer une stabilité socio-économique sur le long terme.

* Wahba Ghaly est conseiller municipal, Vernier, PS; Emmanuel Deonna est conseiller municipal, Ville de Genève et député suppléant, Grand Conseil genevois, PS; Gabriel Barta est membre de la commission migration, intégration et Genève internationale, ancien trésorier, PS genevois.

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