Lueur d’espoir
«Les Portugais ont aimé la geringonça!» Antonio Costa avait la victoire modeste et maligne, dimanche soir, à l’heure de reconnaître ce que les socialistes portugais doivent au «machin», cette alliance parlementaire rose-rouge-vert, à première vue brinquebalante, qui a pourtant assuré la stabilité de son gouvernement durant quatre ans. Avec près de 37% des voix (+4%) et 106 députés (+20) sur 230, le Parti socialiste est le principal bénéficiaire d’une législature marquée par la chute du chômage, l’équilibre budgétaire et quelques mesures sociales. Mais ses alliés de la gauche radicale ne s’en tirent pas trop mal non plus, pesant à eux deux 16% des voix (-2%). Surtout, avec respectivement dix-neuf et douze députés, le Bloc de gauche et la coalition des communistes et des Verts (CDU) gardent la clé d’une majorité de gauche au parlement.
En interprétant d’emblée le mandat des Portugais en faveur d’une geringonça 2, Antonio Costa met bien évidement la pression sur ses alliés, dont il espère modérer à nouveau les ambitions. Le PS pourrait d’ailleurs opter pour une alliance moins contraignante, puisque le soutien d’une seule des deux formations antilibérales lui suffirait désormais pour faire adopter un texte. M. Costa peut également menacer de chercher des soutiens occasionnels à droite.
Son souriant avertissement est particulièrement destiné aux communistes, historiquement très éloignés du PS et composante la plus affaiblie de la geringonça. Ceux-ci ont déjà averti qu’ils n’apporteraient leur soutien qu’en cas de hausse massive des minimums sociaux. Leur modération de 2015, destinée à sortir d’urgence le pays de l’austérité imposée après la crise de 2008-2010 par la droite et l’Union européenne, n’aurait plus lieu d’être, assurent-ils. Du côté du Bloc, le discours est moins raide mais l’intention est la même: faire monter les enchères, notamment en matière de qualité de l’emploi et d’investissements publics. Et pourquoi pas de participation gouvernementale.
De fait, la gauche serait en droit d’estimer venu le temps de mesures plus ambitieuses. Si l’économie va mieux, elle dépend plus que jamais de rentrées étrangères – le tourisme – et nécessiterait des réformes d’ampleur renforçant la production et la consommation locales. Ainsi le salaire minimum, bien que relevé de près de 20% en quatre ans, demeure famélique, à 600 euros. Le défi climatique offre là un terrain d’innovation qui, s’il n’est pas exploité, laissera l’objectif proclamé de neutralité carbone d’ici à 2050 au rang de chimère. Quant aux services publics, à l’exception de l’éducation, ils paient chèrement les désinvestissements successifs de l’Etat, pingrerie à laquelle Antonio Costa n’a pas dérogé. Enfin, si le chômage a chuté, l’emploi précaire, lui, ne cesse de se développer.
L’ampleur des défis ne devrait pas rendre plus difficile l’entente entre Antonio Costa et ses partenaires mais au contraire plus urgente que jamais. Face à la montée des fascismes, aux impasses néolibérales et au péril écologique, le Portugal offre une des rares lueurs en Europe. A la geringonça de poursuivre l’exploration de la seule voie réaliste aujourd’hui, entre radicalité et pragmatisme.