Édito

Vote socialiste et conservateur

Vote socialiste et conservateur
Antonio Costa a été élu aussi par la crainte de voir le PSD retourner au pouvoir. KEYSTONE
Portugal

António Costa peut remercier les sondages. La crainte de voir le PSD, parti qui avait orchestré l’austérité néolibérale après la crise de 2008, revenir au pouvoir a sans doute compté dans la mobilisation dimanche de l’électorat portugais, dont la participation a bondi de neuf points par rapport au scrutin de 2019. Une motivation d’autant plus forte que la poussée à droite qu’auguraient les dernières enquêtes faisait du populiste André Ventura un potentiel faiseur de roi!

Bénéficiant aussi d’un «vote utile» venu de l’extrême gauche, le premier ministre a renversé de façon spectaculaire la tendance et dispose désormais de sa première majorité absolue depuis son arrivée à la tête du gouvernement en 2015. Plus besoin de se «coordonner» avec les partis de la gauche radicale, comme durant sa première législature (jusqu’en 2019), ou de négocier avec l’ensemble du spectre politique (depuis 2019), António Costa a les coudées franches pour adopter un budget 2022 indispensable pour recevoir les milliards du plan de relance européen. Une perspective qui a sans doute également joué.

Pour la gauche de la gauche, la défaite est lourde et amère. Ses deux formations cèdent près de la moitié de leur électorat (de 16% à 9%) et deux tiers de leurs sièges (de 31 à 11). Au côté d’António Costa, elles ont pourtant contribué depuis 2015 à redonner des couleurs aux services publics et du pouvoir d’achat aux Portugais·es. Aujourd’hui, le Bloc de gauche et le Parti communiste paient la convocation d’élections anticipées qu’ils n’avaient pas réellement souhaitées mais que le refus de leurs fermes exigences budgétaires rendait inévitables.

Une erreur tactique plus que politique, tant la demande d’un nouvel effort sur les minimas sociaux et le renforcement de la santé publique semblaient couler de source et auraient pu déboucher sur un compromis. Malin, le premier ministre a préféré miser sur les urnes, et a emporté le morceau. Sans doute avait-il senti que ces temps pandémiques ne sont guère propices aux audaces ni aux audacieux. António Costa comme avant lui Olaf Scholz en Allemagne semblent traduire au mieux les actuelles aspirations prudentes (mais néanmoins solidaires) des populations.

Les défis structurels sont donc renvoyés à des temps meilleurs. Pour autant qu’il en vienne! Avec une économie toujours plus dépendante du tourisme – ce qui provoque d’importants déséquilibres régionaux –, les investissements publics les plus faibles de l’UE et des emplois mal payés et précaires, le Portugal ne pourra jouer la montre éternellement.

Opinions Édito Benito Perez Portugal

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