Tout vient à point
Voilà, il ouvre ses espaces: dès samedi, le nouveau Musée cantonal des beaux-arts de Lausanne recevra ses premiers visiteurs officiels, après avoir dévoilé ses murs encore immaculés lors d’un week-end portes ouvertes très couru en avril – quelque 21 000 curieux étaient présents. Aucun doute que le public sera également au rendez-vous cette fin de semaine, mais aussi les prochains mois, années, décennies. On construit un musée pour le long terme et celui-ci est bien parti pour durer, magnifié par une clarté des lignes qui traversera sans encombre les époques, et une générosité toute vaudoise – c’est-à-dire sans trop de débordements.
Lausanne revient de loin. A l’automne 2008, on s’en souvient, un projet de nouveau musée à Bellerive était sèchement recalé dans les urnes. Pêle-mêle, les opposants reprochaient à la proposition de dénaturer la rive du Léman, d’être loin du centre-ville, voire – insulte suprême – de ressembler à «une sorte de centre Coop surdimensionné», comme l’avait formulé une figure lausannoise respectée. La plupart de ces arguments n’ont plus cours aujourd’hui, heureusement. Et l’abandon du précédent projet aura permis de voir éclore Plateforme 10, pôle muséal qui comprendra à fin 2021 un second bâtiment destiné au Musée de l’Elysée et au Mudac.
Si le MCBA, comme on l’abrège, a voulu quitter le Palais de Rumine, vénérable siège du musée depuis 1906, c’était à cause d’espaces par trop exigus: impossible de montrer en simultané la collection et un accrochage temporaire. Avec des surfaces d’exposition presque triplées, dans l’écrin du bureau catalan Barozzi/Veiga, la cohabitation sera la règle dès février. D’ici là, «Atlas. Cartographie du don» fera honneur aux cadeaux reçus par le musée, en particulier les plus récents, ceux destinés au nouvel édifice. Par exemple, cette œuvre-arbre magnifiant la verticalité du hall d’entrée, une pièce de l’artiste italien Giuseppe Penone offerte par la galeriste Alice Pauli.
Détail piquant, le MCBA sera à terme directement accessible depuis le quai 1 de la gare de Lausanne, celui des Intercity qui arrivent de Genève. Comme une sorte de pied de nez des Vaudois «rupestres» envers leurs voisins du bout du lac, empêtrés durant une vingtaine d’années dans un projet d’agrandissement du Musée d’art et d’histoire finalement refusé dans les urnes. Une proposition qui cumulait les défauts pour le moins rédhibitoires, entre bricolage architectural et partenariat public-privé déséquilibré; mais qui devrait rebondir sur des bases plus saines, avec la libération prochaine de l’attenante Ecole des beaux-arts. Tout vient à point pour qui sait attendre, rappelle la tortue lausannoise au lapin genevois.