Édito

L’Italie perd son impertinent

L'Italie perd son impertinent
Ancien militant communiste et profondément humaniste, Andrea Camilleri fut un artiste engagé. Ici, à Rome lors d’un discours contre l’influence de l’église dans le débat sur l’euthanasie, le 21 février 2009. KEYSTONE
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Toute l’Italie pleure Andrea Camilleri, écrivain sicilien décédé mercredi matin à Rome, à 93 ans. Auteur de plus de cent ouvrages, en partie dédiés à l’histoire de son île adorée, il est aussi le créateur du bourru et fin gourmet Commissario Salvo Montalbano. Héros attachant de presque quarante romans ou recueils écrits depuis 1994, il était également le protagoniste d’une série TV regardée par plus d’un milliard de téléspectateurs autour du globe. Dans ces histoires lues ou regardées de Palerme à Tokyo en passant par Buenos Aires et Moscou, les personnages s’expriment dans une langue largement inventée par Camilleri, mélange délicat d’italien et de «dialecte des paysans et ouvriers siciliens», comme il disait.

Même les deux fiers-à-bras du gouvernement transalpin, Matteo Salvini (Lega, extrême droite) et Luigi Di Maio (M5S, antisystème), ont rendu hommage à l’écrivain. En 89 signes sur Twitter, point final compris pour Salvini; ou avec des compliments plus sentis et un «tu nous manqueras» final chez Di Maio. Camilleri n’avait pourtant pas été tendre avec ces politiciens et leurs partis, parlant d’«envie de vomir» lorsque le léguiste était apparu en meeting avec un rosaire opportuniste; ou disant son mépris pour le Mouvement 5 étoiles de Di Maio, auquel il n’aura jamais cru. Plus généralement, il s’inquiétait de l’actuel consensus très «années 1930» autour des idées de la Lega, après avoir ardemment dénoncé, des années durant, le libéralo-clientélisme d’un Silvio Berlusconi.

La triste actualité politique italienne se trouvait d’ailleurs souvent évoquée dans les romans écrits – et ces dernières années dictés, pour cause de cécité – par cet ancien militant communiste, profondément humaniste et souvent critique d’un Parti démocrate (centre gauche) qu’il jugeait «sans idées». Il parlait de Montalbano comme s’il existait réellement. Salvo partageant nombre de ses idées, opinions, joies ou désillusions. Ainsi, le commissaire prenait parti pour les sans papiers, combattait une mafia omniprésente ou se disait prêt à démissionner dans la foulée des actes barbares commis par ses «collègues» durant le G8 à Gênes, en 2001. Oui, Andrea Camilleri manquera à l’Italie, à sa culture autant qu’à sa politique.

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