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Polémique autour du film «Avocate»

AU PIED DU MUR

Il y a quatre mois, le documentaire Léa Tsemel, Avocate était projeté au Festival du film et forum international sur les droits humains (FIFDH) à Genève et j’y accompagnais le co-réalisateur (avec Rachel Leah Jones) Philippe Bellaïche. Ma présence au festival de Genève était un pis-aller, remplaçant Léa Tsemel, l’avocate en question… qui est aussi ma compagne. C’est un très bon film, primé dans de nombreux festivals prestigieux (Salonique, Hong Kong, Cracovie…) et salué par la majorité des critiques de la presse israélienne. Avocate a également reçu le premier prix du festival international du film documentaire israélien Docaviv.

Ce qui n’était pas prévu au scénario, c’est la polémique que la projection a suscitée en Israël: depuis plusieurs semaines, il ne se passe pas deux jours sans qu’un article ou une émission de radio ne traite du film, dans un débat qui a littéralement polarisé l’opinion publique locale. Si les projections locales font salles combles avec un public plutôt favorable, voire parfois enthousiaste, il n’en est pas de même sur les réseaux sociaux, où la droite se déchaîne – certains n’hésitant pas à proférer des menaces de mort contre Léa Tsemel.

La plupart des détracteurs avouent ne pas avoir vu le film, et leurs propos haineux sont dirigés contre le personnage, celle qu’ils appellent «l’avocate des terroristes palestiniens». A l’image de la générale de réserve Miri Regev, improbable ministre de la Culture, qui appelle à couper les subventions au film et au festival Docaviv, selon son vieux slogan «pas de financement pour ceux qui ne font pas allégeance à l’Etat d’Israël comme Etat juif et démocratique». Il y a quelques années, la même Regev avait annoncé qu’il fallait boycotter Mahmoud Darwish, tout en avouant qu’elle ne savait pas très bien qui était ce Darwish… pas plus qu’elle ne connaissait Shakespeare ou Molière, avaient souligné les médias.

Des manifestations ont eu lieu devant le siège de la Loterie nationale, qui a participé au financement du film et, sous la pression des voyous d’extrême droite, son conseil d’administration a annoncé qu’il allait réévaluer sa politique de soutien à des films «non consensuels». La réaction du monde culturel et littéraire a été immédiate: une contre-manifestation et, surtout, la décision de certains écrivains israéliens de renom de rompre leurs relations avec la Loterie et ses projets culturels.

La polémique autour d’Avocate reflète l’état actuel de la société israélienne, polarisée entre une extrême droite de plus en plus brutale et une partie de la société, minoritaire mais non marginale, qui tente de résister contre les vents mauvais qui risquent à terme de produire une tempête éradiquant ce qui permet encore à Israël de conserver une place au sein des pays dits libéraux et démocratiques.

Michel Warschawski est un militant anticolonialiste israélien, fondateur du Centre d’information alternative (Jérusalem/Bethléem).

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lundi 8 janvier 2018

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