Discrète lame de fond féministe dans l’industrie
Sept heure du matin, gare Zimeysa, à Meyrin. Le Léman Express déverse son flot de voyageurs, destination la deuxième zone industrielle du canton. A priori rien d’inhabituel en ce vendredi 14 juin, si ce n’est un ciel gris zébré d’éclairs, annonciateur d’autres flots à venir. Sur le quai, ni badges ni foulards violets, encore moins de tee-shirts féministes, à moins qu’ils ne soient enfouis sous les doudounes redevenues de rigueur. Peut-être un peu moins de monde que d’habitude? interroge-t-on. Moue dubitative. «Peut-être…»
Horlogerie, chimie, électronique, quelque 4000 femmes travaillent pourtant ici, soit plus du tiers des effectifs de la Zone industrielle de Meyrin-Satigny (Zimeysa). Mais la grève n’est pas à l’ordre du jour. «Je serais à la manifestation», finit par promettre, dans un sourire, une quinquagénaire pressée.
«Peur de montrer son museau»
«Quand vous n’êtes pas hautement qualifiée, vous pouvez être très vite remplacée», explique Sarah, déléguée syndicale dans une grande firme horlogère. Elle souligne la difficulté grandissante d’obtenir un contrat à durée indéterminée. «Quand on en a un, on a peur de montrer son museau, et quand on travaille en temporaire, encore davantage!» relève la militante d’Unia.
Une pression toutefois vécue différemment selon les entreprises. Certaines ont invité les candidates à la grève à prendre un jour de congé. Parfois contre des rattrapages à coups d’heures supplémentaires. Dans d’autres, mieux vaut éviter le sujet.
Préparer le 15 juin
Selon les syndicats, aucun débrayage ni même d’action symbolique n’étaient attendus hier à Genève dans l’industrie ou dans la vente malgré quelques velléités, vite éteintes. D’autant que la CCT du secteur, habitué au partenariat social, rend les débrayages délicats.
«Cette grève n’est pas une fin en soi, le plus important commence le 15 juin.» Sarah
Mais, pour Sarah, l’important est ailleurs. «La grève, cela fait des mois qu’on en parle, toutes les grandes entreprises horlogères étaient représentées à nos réunions et le seront à la manifestation.» Une lame de fond qu’elle ressent «depuis quelques années» et que le mouvement du 14 juin a permis de cristalliser. «Au sein de mon entreprise, nous avons décidé de constituer un comité de femmes pour parler de nos réalités et de nos besoins. Cette grève n’est pas une fin en soi, le plus important commence le 15 juin.»
L’enjeu des salaires
D’autant que les défis ne manquent pas pour les travailleuses de l’industrie, en particulier sur le plan salarial. Si la pression grandissante sur les salaires touche aussi les hommes, Sarah est formelle: «Ce sont toujours des femmes qui viennent me voir, comme déléguée syndicale, pour me dire qu’elles n’arrivent plus à s’en sortir.» La tradition horlogère des «petites mains», qui réserve les travaux ingrats aux femmes, demeure bien ancrée.