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Les socialistes suisses n’ont pas de quoi se réjouir

Emmanuel Déonna, conseiller municipal PS-Ville de Genève, revient sur les résultats fédéraux et genevois du dernier scrutin.
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Les partisans de la réforme de l’imposition des entreprises et du financement de l’AVS l’ont emporté en votation avec 66,4 des suffrages. Pourtant, les cris de victoire du conseiller fédéral «socialiste» Alain Berset masquent mal les problèmes liés à cette réforme. En se privant de deux milliards de recettes fiscales pour faire le jeu d’une concurrence fiscale internationale effrénée via une réduction de la taxation des bénéfices des entreprises, les partisans de la réforme ont renoncé au principe de redistribution des richesses. La «contrepartie» de deux milliards annoncée en faveur de l’AVS sera prise sur les salaires via une hausse des cotisations sociales et une baisse des prestations complémentaires. Au lendemain du vote, on invoque la possibilité de limiter la concurrence fiscale entre les cantons en fixant une imposition minimale des entreprises par le biais d’une nouvelle initiative.

Cependant, l’idée, loin de séduire tous les cantons, aurait dû être abordée dans la RFFA. A peine les résultats du vote connus, la hausse de l’âge de la retraite des femmes est également évoquée. Cela révèle le peu de préoccupation sociale et les vraies intentions des partisans de RFFA. La mesure est d’autant plus scandaleuse que tous les progressistes du pays dénoncent l’inégalité salariale avérée entre les femmes et les hommes en Suisse, un des thèmes majeurs de la grève féministe du 14 juin. A l’échelle des cantons, les électeurs de Berne ont bien fait de refuser d’abaisser de 8% le forfait d’entretien fixé par la Conférence suisse des institutions d’action sociale. Même si, dans la foulée, ils ont aussi rejeté un «projet populaire» plus ambitieux en matière d’aide sociale lancé par le centre gauche. D’autres attaques contre l’aide sociale se préparent, notamment dans les cantons d’Argovie et de Zurich. A Bâle-Ville, on remarquera la victoire de la Jeunesse socialiste qui a réussi, dans l’esprit de son «Initiative pour les 99%», à convaincre la population d’adopter une hausse des impôts des plus riches contribuables.

Résultats genevois en demi-teinte. Par 52,28% des voix, les électeurs genevois ont accepté la loi de la gauche et des syndicats sur les retraites de la fonction publique. Elle permettra de maintenir le niveau des rentes pour les salarié-e-s tout en favorisant la construction de logements abordables. En renonçant de passer en primauté de cotisation, la population a montré son attachement aux rentes. En outre, en choisissant de recapitaliser la caisse de pension de l’Etat de Genève (CPEG) grâce à des terrains, notamment dans le secteur Praille-Acacias-Vernets, les électeurs ont exprimé leur préoccupation face à la pénurie de logement. Il faut déplorer par contre que le contre-projet à l’Initiative 170 «Pour des primes d’assurance-maladie plafonnées à 10% du revenu» ait passé la rampe. S’il a le mérite de prévoir des aides, celles-ci sont deux fois moins généreuses que celles que prévoyait l’initiative de la gauche. Enfin, ces aides ne règlent pas les injustices de la LaMal – en particulier le poids des primes d’assurance-maladie pour les classes moyennes et populaires – qui dépend du droit fédéral. La nouvelle Loi sur la culture, qui prévoit une meilleure coordination entre les cantons et les communes, a été très largement acceptée. Ce résultat couronne une belle mobilisation des milieux culturels. Il incitera, espérons-le, les collectivités publiques à y investir plus de moyens. L’acceptation à une courte majorité d’une loi permettant d’ouvrir les magasins trois dimanche par année est une mauvaise nouvelle. C’est un échec pour le secteur de la vente où travaillent énormément de femmes pour des salaires très bas et dans des conditions difficiles.

Emmanuel Deonna est conseiller municipal PS en Ville de Genève.

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