Une belle arnaque
Glissée au milieu des énormes et complexes dossiers que sont les réformes de l’imposition des entreprises et de la caisse de retraites des fonctionnaires, la nouvelle loi sur l’ouverture dominicale des magasins soumise au vote le 19 mai à Genève tient de la belle entourloupe. Le souverain du bout du lac a en effet déjà accepté, fin 2016, que les commerces accueillent des clients trois dimanches par an en plus du 31 décembre, mais… à la condition qu’une Convention collective de travail (CCT) étendue soit enfin appliquée au personnel de la vente.
Les négociations n’ont rien donné depuis? Alors on se passera de CCT et on ouvrira quand même les grandes surfaces, a décrété la droite en adoptant au parlement un texte quasi identique à celui accepté il y a deux ans et demi, mais en y biffant l’exigence d’amélioration des conditions générales des employés. Un coup de force attaqué par un référendum.
Pour faire avaler la pilule, les partisans du texte assurent que ce n’est que pour une période «expérimentale», que les patrons reprendront le dialogue d’ici fin 2020. Et rajoutent: les employés qui accepteront de travailler ces fameux dimanches toucheront double salaire. Alléchant! Même si c’est déjà l’usage…
L’offre ressemble surtout à une belle arnaque pour la majorité des employés. Car si on accepte cette prime ponctuelle destinée uniquement à ceux qui peuvent se libérer un dimanche de temps en temps, on risque surtout de condamner à long terme l’amélioration générale des conditions pour l’ensemble du personnel. En effet, qui peut sérieusement croire que ces dirigeants d’entreprises qui n’ont pas signé de CCT avec les partenaires sociaux quand on leur tendait une carotte vont accepter d’améliorer la situation de tous leurs employés alors qu’ils auront déjà mordu dedans? D’autant plus qu’ils ont déjà fait preuve jusqu’ici de grosses doses de mauvaise foi…
Rejeter cette loi relève donc d’une question de principe. La droite veut depuis de longues année faire tomber ce qu’elle considère idéologiquement comme un acquis archaïque: le repos dominical des employés, et une certaine limitation des tranches horaires des ouvertures des commerces. Bien sûr les habitudes de consommation ont évolué, et de nombreux métiers s’exercent aussi le dimanche. Mais il reste essentiel de défendre un certain partenariat social, et les conditions de travail des employés de la vente, qui touchent des salaires particulièrement bas et dont les horaires actuels compliquent déjà la conciliation entre vie familiale et professionnelle. Encore plus lorsqu’on sait que ces postes précaires sont en grande majorité occupés par des femmes.